Coco a révolutionné la mode. Mais son biopic respecte à la lettre toutes les conventions du genre.
Coco Chanel était une grande femme, une créatrice de génie et c’est aussi une grande marque internationale. Du point de vue marketing, Coco = Coca, le tailleur ou N° 5 étant des produits aussi célèbres que le Big Mac ou le Levi’s. Ce double registre créatif et publicitaire a bien sûr présidé aux destinées de ce film, conçu à la fois comme la biographie (parcellaire) d’un être d’exception et comme un produit d’appel à visée planétaire, supposé paré de toutes les vertus connotées par la marque Chanel : élégance, luxe, bon goût, art de vivre, le tout so french. Dans ce genre souvent corseté et prévisible du biopic, le film d’Anne Fontaine ressemble probablement à ce qu’ambitionnaient ses concepteurs. C’est un film où tout est soigné et léché au millimètre : le scénario, le jeu des acteurs, les décors et costumes, la musique, la lumière… Anne Fontaine et ses coscénaristes ont pris le parti de raconter les années d’avant la célébrité, le film se concluant sur le premier défilé inaugurant la maison et la légende Chanel – splendide séquence au demeurant, tournée dans le fameux escalier au miroir de la rue Cambon. Ce sont les années d’orphelinat, de complicité avec la grande sœur, de divers petits boulots (chanteuse de beuglant, modiste…), des amants, d’une existence de demi-mondaine… Si le scénario s’attache à montrer que Chanel est devenue grande couturière par hasard et non par vocation, la mise en scène distille tous les signes indiquant que Gabrielle deviendra Coco Chanel : caractère entier, liberté d’esprit, originalité de goût… Avec son physique androgyne, son regard sombre, sa lèvre supérieure ourlée et sa pointe d’accent gouailleur, Audrey Tautou compose une Chanel convaincante, petit soldat rugueux issu du peuple et femme moderne et attirante. Les qualités de fabrication du film ont leur revers, l’académisme. On n’échappe pas aux plans à la symétrie bien calculée, au côté beau livre d’images sur la France d’autrefois (vieilles pierres, calèches, châteaux verdoyants…), ni au déterminisme rétroactif inhérent au genre biopic. Pour un film consacré à une révolutionnaire de la haute couture féminine, c’est une œuvre esthétiquement bien sage et conforme : fidèle au scénario et au produit Chanel, mais pas à son esprit génialement inventif.