Des étudiants de la Fémis ont rédigé un communiqué afin de s’opposer à la nomination de Dominique Boutonnat à la tête du CNC. Ce soutien d’Emmanuel Macron a récemment affiché au travers d’un rapport sa vision inquiétante du financement du cinéma français.
Alors que Frédérique Bredin a terminé son deuxième mandat (non reconduit) en tant que présidente du CNC (le Centre national du cinéma et de l’image animée), la nomination de Dominique Boutonnat inquiète à plus d’un titre. C’est pourquoi des étudiants en cinéma viennent de faire entendre leur voix dans un communiqué, afin de protester contre cette décision. Le symbole est fort, puisque l’action a été lancée par des élèves de la Fémis, l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, et véritable institution du cinéma en France.
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La mise en danger du cinéma d’auteur
Cette prise de parole se montre dans la continuité de la récente tribune de la Société des Réalisateurs Français (SRF), qui s’est exprimée contre des rapports du gouvernement remettant en cause le modèle de financement du cinéma français. L’un de ces textes a justement été écrit par Dominique Boutonnat. Ce producteur et soutien financier d’Emmanuel Macron estime en effet que le nombre de films produits chaque année est trop important, alors que certains projets peinent à être rentables. En plus de mettre en péril la réussite créative du cinéma hexagonal, ce rapport souhaite remettre en avant des investissements privés, qui engendreraient une libéralisation du système de financement ne profitant qu’aux poids lourds du box-office.
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Ainsi, ce communiqué des étudiants en cinéma appuie la dangerosité de cette démarche, qui pourrait être mise en application si Boutonnat parvient à la tête du CNC : « En tant que futur.e.s travailleur.euse.s du cinéma français, nous ne combattons pas le cinéma commercial mais nous défendons la mise en valeur de tous les cinémas, du cinéma grand public au documentaire de création. Le rapport Boutonnat, sous couvert d’objectivité statistique, présente un regard binaire sur le cinéma servant les intérêts de son auteur […] : il y aurait un choix à faire entre un cinéma rentable et exportable et un cinéma d’auteur.e considéré comme marginal.«
De l’importance de prendre position
Nous avons contacté certains des signataires de ce texte pour en savoir plus sur la motivation autour de cette lettre ouverte. Pour eux, c’est tout simplement leur regard sur le septième art, et celui de la Fémis, auquel on essaie de porter atteinte. « L’enquête de Boutonnat sur le CNC nous semble aller contre les intérêts du cinéma français, et sa nomination serait la promesse d’une atteinte à la possibilité de créer librement, et semble aller contre ce pour quoi on se rend à la Fémis pour étudier. Or, la Fémis dépend directement du CNC, et bien qu’étant une institution critiquable (comme toutes les institutions), il nous a semblé important d’affirmer qu’on nous y enseigne une vision du cinéma riche, plurielle, diverse, parfois loin des standards commerciaux mais plus proche d’une vérité, et c’est le cinéma dans lequel on veut évoluer, mais que le bilan de Boutonnat veut détruire.«
Il est important de préciser que le communiqué est ouvert à tous les étudiants en cinéma de France, qui peuvent afficher leur soutien par une signature sous le texte. Pour l’une des auteures de la lettre (désirant demeurer anonyme), la nomination de Boutonnat pourrait avoir une incidence désastreuse sur la manière dont on enseigne le cinéma en France.
En voulant privilégier l’économie à la culture, la rapport Boutonnat impose de lui-même un positionnement politique, qu’il était important, pour cette étudiante, d’afficher : « Je ne sais pas ce qu’on attend de ce texte, si ce n’est d’être entendus, et peut être d’échapper à cette nomination, et de trouver un directeur au CNC qui ne défendra pas ses intérêts personnels, ni la politique de Macron, mais quelqu’un qui a à cœur de préserver le cinéma français. L’autre idée, c’est d’espérer que ce ne soit pas qu’une lutte des cinéastes, mais plus globalement une invitation pour les étudiants à se sentir concernés. Et puis, c’est aussi une manière de montrer que la Fémis est un lieu politique, et que ses étudiants sont prêts à se mobiliser contre la politique actuelle.«
En tout cas, on peut se réjouir que la jeunesse cinéphile réagisse à cette nouvelle démonstration de la politique libérale et anti-culturelle de La République en Marche, qui en vient à penser, comme le titrait la tribune de la SRF, que « la France est le seul pays au monde qui pense avoir trop de cinéma d’auteur !«
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