Un portrait très attachant du chef op légendaire du Nouvel Hollywood, qui éclaira entre autres Rencontres du troisième type, Délivrance, Blow out…
Drôle d’idée qu’a eue Pierre Filmon en conservant au début de son film une scène normalement réservée au off. Son équipe s’affaire autour de Vilmos Zsigmond, chef op légendaire et sujet de ce documentaire qui raconte à travers lui une certaine histoire du Nouvel Hollywood.
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Dans cette scène, quelques jeunes gens règlent la caméra, l’éclairage, pour interviewer le maestro. Leur déférence les pousse à le consulter pour vérifier, craintifs, la pertinence de leurs choix. Surpris et flatté, il se prête à l’exercice jusqu’à arriver avec eux à une configuration satisfaisante.
Moins mystérieux que sa lumière
Le moment est amusant, mais aussi teinté d’ironie. Non, Close Encounters with Vilmos Zsigmond n’a pas à ressembler à un film éclairé par Vilmos Zsigmond. C’est le sort mélancolique des docus consacrés à des directeurs photo (nous manquons d’un équivalent exact à l’impeccable “cinematographer” anglophone, et on verra d’ailleurs Vittorio “Apocalypse Now” Storaro détailler la passionnante bataille terminologique qui se joue entre les différents termes), qui donnent toujours l’impression de lever le voile sur de petits hommes moins imposants que leurs créations, et de constater l’évidence : les magiciens ne vivent pas à l’intérieur de leurs propres tours.
Filmon n’a ainsi rien de plus beau à capter chez Zsigmond que son caractère humble, concret, et finalement moins mystérieux que sa lumière – même s’il porte par ailleurs en lui un certain romantisme du métier, un acharnement, une combativité, etc.
La carrière de cet Américain d’adoption, qui ne s’est jamais départi d’un accent hongrois à couper au couteau, recèle certes de nombreux moments de bravoure (comme un péché mignon, le film se plaît fort heureusement à les recenser : voir le long plan final panoramique en lumière naturelle de L’Homme sans frontière, commenté avec ferveur par son réalisateur Peter Fonda).
Simplicité et éloquence
Mais l’objet ici demeure la conception au fil des années d’une lumière dont on a beaucoup retenu la sensualité (Rencontres du troisième type), l’expressionnisme d’un autre temps (le sublime John McCabe d’Altman), au risque de faire oublier que sa première qualité est la simplicité et l’éloquence, la grande force signifiante, déployée sans tapage.
Déplorant le goût contemporain pour la joliesse (“faire une belle image est si facile”, dit-il), Zsigmond éclairait favorablement ou défavorablement ses acteurs, mais toujours à dessein, et ne sacrifiait jamais l’impératif du vrai à celui du beau. Il est mort le 1er janvier dernier, six mois avant Michael Cimino, pour qui il avait signé, avec La Porte du Paradis, son chef-d’œuvre.
Close Encounters with Vilmos Zsigmond (Fr., 2016, 1 h 21)
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