Le cinéaste du « Passé » et « Une séparation » livre une méditation didactique et pesante sur la culpabilité et la vengeance.
Comme souvent à Cannes, certains films se renvoyaient la balle sans concertation préalable. Ainsi, Personnal Shopper dialogue avec The Neon Demon en sondant l’univers du glamour et de l’imagerie de luxe et en sacralisant la forme, Maren Ade et Cristian Mungiu explorent le rapport père-fille, tandis qu’Almodovar et Mendonça Filho édifient un autel pour femme (et actrice) vieillissante… Sélectionné de dernière minute, le film d’Asghar Farhadi fait écho aux frères Dardenne.
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Un film de storyteller
Comme dans La Fille inconnue, un citoyen lambda prend en charge une enquête à la place de la police pour faire patiemment advenir une vérité sous l’empire des partenaires Culpabilité et Rédemption. Ici, un prof de lettres et acteur de théâtre recherche l’individu qui a agressé sa femme dans le but peu reluisant de l’humilier et de se venger. Comme il l’expliquait à ses élèves, « un homme peut se transformer en bête progressivement ». Comme souvent chez Farhadi, une horlogerie scénaristique épousant plusieurs virages et incarnée par des acteurs remarquables va brouiller les frontières du bien et du mal, dévoiler que la réalité est souvent plus épaisse, complexe et opaque que les apparences.
En filigrane, on perçoit aussi que les rapports hommes-femmes restent dominés par un machisme puritain en république islamique d’Iran, y compris au sein de la bourgeoisie éclairée et cultivée. Toujours impressionnant par sa maîtrise du récit et sa direction d’acteurs, Farhadi a parfois la main lourde, notamment dans une dernière partie laborieuse inutilement étirée par un suspens secondaire et artificiel (le personnage du « client » va-t-il ou non succomber à une crise cardiaque ?). Par ailleurs, les échos tissés entre le récit principal et la pièce que les personnages jouent le soir (La Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller) est un procédé vieillot que Farhadi renouvelle peu –sauf en une occasion, quand les affects de la vraie vie contaminent les dialogues de la pièce.
Le Client confirme que Farhadi est un storyteller efficace mais un brin démonstratif dans sa volonté de montrer que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent.
Le Client de Asghar Farhadi (Iran). Avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti. Sélection officielle: en compétition.
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