Du pur B. DeMille, où l’on redécouvre l’intimisme des rapports cachés dans ses fresques historiques.
LES FILMS Alors que des historiens britanniques chagrins viennent de révéler que Cléopâtre n’était pas aussi canon que se l’était laissé dire Blaise Pascal, Claudette Colbert continue heureusement à lui prêter son félin minois depuis 1934, dans l’un des films parlants les plus connus de Cecil B. DeMille, auquel le nom d’Hollywood (dont il fut l’un des fondateurs) et sa mégalomanie légendaire resteront à jamais associés. DeMille, certes un affreux réactionnaire, fut l’un des plus grands, et son Forfaiture (1915) reste une étape importante de l’histoire du cinéma, notamment pour la moderne sobriété du jeu de ses acteurs. Ce qu’il y a de surprenant et d’assez génial chez DeMille à partir des années 30, c’est le contraste entre la fresque historique ou biblique qu’il affectionne (décors gigantesques, batailles et mouvements de foule en veux-tu en voilà, avec sang, huile bouillante, poison, stuc et flèches), et l’intimisme souvent badin des rapports entre les personnages. C’est comme si, dans Aïda ou Samson et Dalila, tandis que les chœurs s’époumonent, les héros se livraient à un flirt d’opérette (avec sous-entendus sexuels à chaque réplique) : un dialogue de Lubitsch au détour d’une page de l’Ancien Testament. C’est flagrant dans Cléopâtre, où César et Marc-Antoine se font draguer par Cléopâtre comme Gary Cooper et Frederic March dans Sérénade à trois. Seulement, chez DeMille, cette scène de séduction serait inconcevable sans que la mer Rouge ne s’ouvre derrière eux ou que Saint-Jean-d’Acre, en arrière-plan, soit reprise aux Sarrasins par les croisés. Dans le rôle de Cléopâtre, Claudette Colbert (qui avait déjà joué le rôle de Poppée dans Le Signe de la croix deux ans auparavant) est donc géniale (surtout face à Henry Wilcoxon, profil et petits yeux de tyrannosaurus rex, acteur et futur producteur associé de DeMille, interprète principal du Richard Cœur de Lion des Croisades – film plus poussif, plus enfantin, traversé pourtant d’images d’extase mystique assez impressionnantes, qui sort également en DVD). Quand Cléopâtre se clôt sur le corps menu et sans vie, mais droit sur son trône, de la reine d’Egypte après son suicide, elle semble se fondre dans le décor majestueux de la Paramount comme dans la mort, et l’on est presque déjà, esthétiquement, dans Blanche Neige et les sept nains de Walt Disney (donc le passage à l’âge adulte du dessin animé), qui sortira seulement trois ans plus tard. LES DVD Pas de bonus.
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