30 août, Cologne. on retrouve Claire Denis et son équipe à trois jours du premier tour de manivelle de “High Life”, son film de science-fiction avec Robert Pattinson et Juliette Binoche. Au moment où sortira Un beau soleil intérieur, elle sera en plein tournage. Coécrit avec Christine Angot et avec déjà Binoche en tête d’affiche, le film a été chaleureusement accueilli en […]
Qu’arrive-t-il à Claire Denis ? Alors que sort en salle, le 27 septembre, sa toute première comédie, Un beau soleil intérieur, écrite avec Christine Angot et où rayonne Juliette Binoche, l’auteure de Trouble Everyday tourne actuellement un film de SF avec l’actrice française et Robert Pattinson. Un doublé
qui pourrait bien marquer un nouveau temps fort de sa carrière.
30 août, Cologne. on retrouve Claire Denis et son équipe à trois jours du premier tour de manivelle de “High Life”, son film de science-fiction avec Robert Pattinson et Juliette Binoche. Au moment où sortira Un beau soleil intérieur, elle sera en plein tournage. Coécrit avec Christine Angot et avec déjà Binoche en tête d’affiche, le film a été chaleureusement accueilli en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs. La talentueuse Claire se trouve donc à un moment très aigu de son parcours, entre son film le plus “facile” – qui est aussi sa première comédie et un potentiel succès commercial – et une coprod internationale bardée de stars – qui sera aussi son premier saut dans la SF.
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High Life, projet ambitieux mis en route il y a presque trois ans, s’est d’abord enlisé dans les problèmes financiers. Le tournage étant suspendu, le producteur Olivier Delbosc propose à Claire Denis d’adapter les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. La cinéaste accepte à condition de travailler avec Christine Angot, dont elle a adapté Les Petits dans un court métrage destiné à l’école d’art du Fresnoy.
Denis-Angot, un duo burlesque
Très vite, les deux femmes délaissent Barthes et se concentrent sur leurs propres fragments. “Ecrire ce film a été très gai, raconte Claire Denis. Dans le livre de Barthes, je me souvenais du mot ‘agony’. L’agonie fait souffrir, mais quand on la raconte après, on est reparti dans la vie, même si l’agonie blesse encore un peu.”
Cette oscillation entre la souffrance et la joie est exactement le mouvement d’Un beau soleil intérieur. A Cannes, tout le monde a remarqué qu’on rit pour la première fois devant un film de Claire Denis. “Je peux être cocasse dans la vie mais je crois que j’ai profondément un tempérament sombre, dépressif. Christine n’a pas un humour qui fait éclater de rire mais elle fait passer ses histoires d’amour avec toujours un fond de drôlerie. Ni elle ni moi ne sommes des femmes franchement gaies mais je pense que notre association est burlesque.”
Au casting, on retrouve beaucoup d’amis de Claire dont pas mal de cinéastes (Beauvois, Balasko, mais aussi Bruno Podalydès, Alex Descas…). Pour faire un film, la cinéaste aime s’entourer de proches, ce qui n’exclut pas la nouveauté : au cœur du film rayonne donc Juliette Binoche. L’actrice raconte : “On s’est rencontrées il y a longtemps et je me souviens de son humanité, de sa bienveillance avec les acteurs. Elle m’avait proposé de faire Chocolat mais j’étais occupée à ce moment-là. On savait qu’on allait un jour travailler ensemble.” Il a fallu un temps d’adaptation entre leurs sensibilités, leurs façons de travailler.
Binoche toujours : “Pendant un tournage, Claire parle beaucoup, or moi j’ai besoin de silence. Elle m’a dit qu’elle parlait souvent sans réfléchir mais qu’ensuite, au calme, les choses inconscientes affleuraient. Ça m’a aiguillée sur son terrain à elle. La parole de Claire me perturbait au début, puis ça m’a aidée. Une fois que j’ai compris ça, on s’est superbement entendues. Elle a une relation très forte à l’intériorité, la sienne et celle de l’autre. Il faut du temps pour que les choses se passent, parfois malgré nous, il ne faut pas être dans une volonté hâtive. Claire permet ça.”
Binoche appétissante, voluptueuse, “crémeuse”
De son côté, la cinéaste voulait une Binoche appétissante, voluptueuse, “crémeuse”, et elle s’est inspirée des héroïnes de la street artist Miss Tic auxquelles elle a emprunté la frange brune, les cuissardes, le look d’amazone sexy. “Certains cinéastes ont besoin de provoquer, de bousculer pour filmer, confie Binoche. Ce n’est pas le cas avec Claire. Je me suis sentie aimée et protégée par elle, et ce n’est pas si fréquent. Elle aime le cinéma pour rendre les gens beaux. Elle a besoin d’aimer pour filmer, comme Leos Carax.”
Un beau soleil intérieur est le premier film drôle de Claire Denis mais aussi son plus limpide, son plus parlant, son plus évident. Etonnée par les rires du public cannois, elle est consciente de tenir là un projet qui pourrait séduire un plus large public, même si la question du box-office l’intéresse moins que la relation au spectateur. “J’ai toujours ressenti en moi une croyance naïve selon laquelle mes films seraient accessibles à tout le monde. Comme disait Rivette, un film malheureux rend malheureux ; il pensait sans doute au Pont du Nord qui n’a pas été vu. Un beau soleil…, en revanche, c’est une joie totale, devant et derrière l’écran.”
Avec la cerise Depardieu qui couronne le film d’une séquence inoubliable. “Gérard, c’est plus qu’un acteur, dit la cinéaste. Il déboule dans la dernière scène, on tourne et on n’a pas envie d’arrêter tellement on est bien.”
De Vincent Gallo à Robert Pattinson
Après Binoche-Depardieu, Claire Denis dirige donc en ce moment un autre binôme star, Pattinson-Binoche. Outre son casting international gold (auquel il faut ajouter la jeune Mia Goth), High Life a tout du projet excitant. L’histoire se déroule dans un futur où les autorités décident d’utiliser des condamnés à mort pour une mission d’exploration d’un trou noir, sans grand espoir de retour sur Terre. Ces passagers peu ordinaires sont aussi les cobayes d’expériences sexuelles – c’est quand même un film de Claire Denis, pas un blockbuster américain.
L’idée originelle vient du jour où Claire a dit en plaisantant à Vincent Gallo : “T’es tellement chiant que je vais faire un film où tu seras seul dans l’espace.” La cinéaste porte le film depuis cinq ans et a bien cru l’abandonner vu les soucis financiers. On imagine que la rencontre avec Robert Pattinson, infiniment plus bankable que Gallo, a été déterminante.
“Un critique américain a écrit : ‘Allez voir Pattinson qui est un acteur qui cache un autre acteur à l’intérieur.’ C’est exactement ça !”
Claire se souvient : “Il avait demandé à me rencontrer à un moment où j’étais paumée par rapport à ce projet. Il m’avait séduite dès Twilight. Un critique américain a écrit : ‘Allez voir Pattinson qui est un acteur qui cache un autre acteur à l’intérieur.’ C’est exactement ça ! Je crois que Robert ne veut pas subir une carrière qui lui échapperait.” L’auteure de Trouble Everyday a été conquise par Pattinson, sa culture, son intelligence, sa vivacité. “Un jour, à Londres, je voulais voir Phèdre de Warlikowski et j’ai invité Robert. Il me demande combien de temps ça dure. Je lui dis : quatre heures. Je l’ai senti hésiter puis il est venu, sans doute pour me faire plaisir. Il en est sorti raide dingue ! Maintenant, il veut travailler avec Warlikowski.” Un garçon “open”, comme dit Depardieu à la fin d’Un beau soleil…
Pattinson, une aventure spatiale… Claire Denis serait-elle aux manettes de sa première superproduction ? Pas d’affolement : comme le dit Juliette Binoche, “ça restera un film de Claire Denis”. La cinéaste confirme : le plateau est petit, les décors seront simples et il y aura très peu d’effets spéciaux. “On sera hors système solaire donc il y aura visuellement beaucoup de noir. Je ne sais pas encore comment figurer un trou noir.”
Tarkovski plutôt que Kubrick
Elle s’est beaucoup documentée, a rencontré des scientifiques et même le spationaute Thomas Pesquet. Elle a également échangé avec le plasticien Olafur Eliasson : “Il interviendra comme conseiller sur la lumière émise par la matière noire.” Quand on lui demande ses films de sci-fi préférés, Claire Denis cite plutôt Don Siegel ou Andrei Tarkovski que Stanley Kubrick : “Il ne faut pas viser 2001…, pas la peine de se faire du mal. Pour moi, le plus beau film de sci-fi, c’est Stalker (Tarkovski, 1979). Quand ça passe du noir et blanc à la couleur, j’ai ressenti comme un coma intérieur tellement c’est beau et fort.”
Du coma au soleil intérieur, on reconnaît bien là une cinéaste qui a toujours scruté le non-dicible, le sensoriel, les ondes invisibles, tel un radar guettant le moindre signal. La science-fiction lui ira sans doute très bien.
Un beau soleil intérieur de Claire Denis, sortie le 27 septembre
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