Quand deux cinéastes aussi différents que Claire Denis (35 Rhums, sortie le 18 février) et François Ozon (Ricky, en salles) se rencontrent, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de famille, d’acteurs, d’argent et de spectateurs. Echange de vues et d’envies.
Le cinéma de l’un est plutôt distancié et cérébral. Les films de l’autre sont au contraire sensuels et physiques. Mais leurs derniers films, Ricky et 35 rhums, présentent certains traits communs. Leur géographie d’abord, tout en espaces urbains modernes, cités, immeubles. Et aussi leur sujet : la relation parent/enfant, et la tension entre fusion et coupure qu’elle met en jeu.
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Dans la fable Ricky (Ozon), une mère découvre que dans le dos de son bébé se forment de petites ailes de volatile. Dans 35 rhums (Denis), un père quinquagénaire vit dans une harmonie presque conjugale avec sa fille de 20 ans, mais se demande s’il ne devrait pas plutôt la laisser s’envoler. Discussion à bâtons rompus sur les villes et les ailes, les liens familiaux et le financement des films, les acteurs et l’attrait érotique du pétrole.
35 rhums et Ricky se situent tous les deux en banlieue…
Claire Denis – Mais je proteste ! Mon film se situe à la frontière de la banlieue. La rue Cugnot, ce n’est pas la banlieue, c’est le XVIIIe. Les personnages habitent dans un immeuble SNCF, le long des voies qui viennent de la gare de l’Est, juste avant la porte de la Chapelle. Le RER B suit cette ligne. Les trains qui vont de Paris en banlieue ne cessent de traverser les décors du film, mais c’est quand même Paris.
Ricky, en revanche, se déroule vraiment en banlieue…
François Ozon – Certaines scènes ont été tournées à Amiens. En fait, j’ai filmé deux cités. Pour les plans généraux, je voulais qu’apparaissent un point d’eau, des arbres, que l’endroit soit assez beau, graphique, pour éviter tout misérabilisme. J’ai trouvé cela aux Ulis. Pour les plans rapprochés, j’ai tourné dans une cité à Amiens, qui doit, hélas, être bientôt détruite. Cette cité a été construite dans les années 70. Elle est bâtie en cercle ; c’était l’une des plus dangereuses de France parce que tout le monde se voyait, s’épiait. Il y a eu beaucoup de viols, de problèmes d’adultère… Il semblerait que ce soit lié au vis-à-vis permanent.
Claire Denis – C’est incroyable cette idée que si les gens se voient, ils couchent ou s’agressent…
François Ozon – Oui, il semblerait que cette architecture, un peu carcérale, suscitait beaucoup de violence, mais aussi beaucoup de désir. Il paraît vraiment que tout le monde couchait avec tout le monde, qu’énormément d’enfants sont nés, dont les parents habitaient dans différents appartements… Il y aurait vraiment un documentaire à faire sur l’histoire de cette cité.
Vos deux films s’inscrivent dans des décors associés généralement au réalisme social, et finalement s’en écartent, par le biais du conte par exemple pour Ricky…
François Ozon – Je voulais en effet que Ricky, dans sa première partie, ressemble presque à un film de Ken Loach ou des Dardenne pour basculer ensuite vers autre chose.
Claire Denis – Mon envie de faire 35 rhums ne passait pas non plus par le réel. Suivre le trajet d’un conducteur de train par exemple, ce n’est pas tout à fait filmer le réel. C’est réel, mais c’est aussi hypnotique, emportant. De plus, je voulais rendre hommage à certains films d’Ozu. Cette histoire de père et de fille est inspirée de Printemps tardif, donc ça m’interdisait une certaine familiarité avec le réel, ça imposait une tenue. Enfin, en peuplant l’image de personnes ayant la peau noire, à deux ou trois exceptions près, je savais que ce serait une façon d’être dans la réalité qui ne serait pas perçue comme de la réalité. Si on prend le métro porte de la Chapelle un soir, on se rend bien compte que la plupart des usagers ont la peau noire. Sauf qu’au cinéma aujourd’hui, ça produit encore quelque chose d’un peu irréel. Je sais que des spectateurs, s’ils voient ce film, n’y reconnaissent pas la réalité, mais y voient une projection, presque un fantasme.
Tu travailles depuis longtemps avec des comédiens noirs. Est-ce que tu souhaiterais qu’on ne le remarque plus ?
Claire Denis – Ça n’a rien de remarquable en effet. Je ne me pose pas la question de filmer des minorités visibles quand je tourne. Le surgissement de Barack Obama dans la présidentielle américaine n’est survenu qu’à la fin du montage. Ça m’a d’ailleurs paru inouï. Mais pendant le tournage, je ne me posais pas du tout la question de la représentation.
François, est-ce qu’un bébé qui vole fait partie d’une minorité visible ? (rires) Plus sérieusement, sous forme de fable, la question de la différence est-elle au coeur de ce que raconte le film ?
François Ozon – Oui, la particularité de cet enfant en fait un être différent et ça m’intéressait de parler de la différence. Avec Emmanuelle Bernheim, ma scénariste, on a transformé la nouvelle dont on s’est inspiré. Le bébé naissait avec ses ailes. Nous voulions surtout évacuer l’idée de l’ange. Les bosses du début apparaissent comme le symptôme de la détérioration du couple et nous voulions que la différence, sous la forme des ailes, soit considérée très vite comme une richesse par la famille plus que comme un problème. Et cette différence finit par permettre à l’enfant de s’envoler et de se libérer de l’emprise familiale ; et là, le film parle de quelque chose qui concerne toutes les familles : à savoir, comment on négocie le désir de l’enfant de voler de ses propres ailes.
C’est aussi le sujet de 35 rhums…
Claire Denis – Oui. Les deux personnages principaux du film sont travaillés par ce questionnement. Le père voudrait que la fille s’envole. En même temps, il le craint. Voir son enfant voler de ses propres ailes, comme on dit, c’est avant tout la marque du temps. Le père et la fille se sont construits tellement ensemble que s’il désire son indépendance, c’est par sagesse. Ce n’est pas profondément ce dont il rêve. Simplement, du temps est passé et l’on ne peut qu’en prendre acte. Il marque à jamais la destinée.
Quand tu filmes la famille, comme dans 35 rhums ou hier dans Nénette et Boni, tu choisis de la réduire à sa plus petite unité : le binôme. Un père et une fille, un frère et une soeur…
Claire Denis – Oui, mais je ne sais pas vraiment pourquoi… Pourtant, j’ai eu des frères et soeurs, nous étions quatre enfants…
François Ozon – Moi aussi. Tu étais l’aînée ?
Claire Denis – Oui.
François Ozon – Ah, moi aussi ! (rires)
Claire Denis – J’ai l’impression que toujours, dans une famille, entre un enfant et un parent, un frère et une soeur, un binôme se forme. Le lien père et fille vient de l’histoire de ma mère en fait. Elle a été élevée par un père veuf. Elle n’a jamais connu sa mère. Ma mère nous a toujours raconté comme une légende familiale ce binôme idéal qu’elle formait avec son père. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, la vie était dure, mais rien ne pouvait les séparer. Même l’exode. Elle nous racontait qu’adolescente, pendant l’exode de 1940, elle avait perdu son père en gare de Chartres, qu’elle avait erré toute la nuit pour le retrouver… Elle a vraiment sublimé cette relation avec son père. Ce type de relation ne peut appartenir qu’à un père et une fille. Ça ne peut pas appartenir à une mère et une fille. Il faut qu’il y ait l’ambiguïté de la différence des sexes. Mère et fils, c’est autre chose, c’est la mère possessive… Si c’est père et fille, il y a une pudeur nécessaire. Quand la fille grandit, que la poitrine apparaît, ses premières règles… Le père est obligé d’observer une distance physique, mais qui, du coup, crée un attachement sentimental très fort. La mère, elle, a accès au corps. Toujours. Le père, non, et même loin de là.
Dans Ricky, on part d’un binôme aussi, mais ça s’élargit…
François Ozon – Oui. Au début du film, je voulais montrer une mère et sa petite fille vivre comme un couple. Et puis d’autres personnages apparaissent, comme autant d’éléments perturbateurs qui vont faire bouger la place de chacun. Avec, comme toujours dans la famille, le besoin de trouver sa place et en même temps la tentation d’éliminer l’autre pour la trouver.
On peut même penser que les ailes du second enfant sont le symptôme du malaise de la fille aînée…
Claire Denis – Je n’ai pas encore vu le film de François, mais je pense que dans une famille, quand l’aînée est une fille, quelque chose de culpabilisant et de maternant se constitue. Moi, j’ai toujours eu le sentiment d’être responsable de mes frères et soeurs. J’étais jalouse d’eux, je les trouvais plus aimés que moi… Mais je n’ai jamais pu exprimer ça. Je me suis toujours sentie obligée de soutenir ma mère enceinte, de l’aider à s’occuper des bébés. J’étais responsabilisée et en même temps, bien sûr, intrigante… La fille aînée, elle, a un sale rôle en fait…
Nous voulions également parler de votre rapport aux comédiens.
François Ozon – La manière dont les films de Claire accompagnent les acteurs, leurs corps et leurs visages, a été très importante pour moi. J’ai pas sommeil, notamment, m’avait impressionné par sa façon de se débarrasser de la narration, du fait divers dont le film est inspiré, pour suivre des personnages dans la ville. Quand j’ai réalisé Sous le sable, le fait d’avoir vu les films de Claire m’a permis de me débarrasser de tout ce qui concernait l’enquête après la disparition du mari et juste d’accompagner le corps de Charlotte Rampling, filmer son visage. Cette idée qu’un film puisse tenir dans la relation entre la caméra et le corps ou le visage d’un acteur, et se suffise du désir qu’on ressent pour l’acteur et l’actrice, je l’ai retenue des films de Claire.
Toi, Claire, ton cinéma est fidèle à certains acteurs…
Claire Denis – Ce n’est pas une question de fidélité. On s’en fout de la fidélité. Il y a des acteurs qui apportent quelque chose de si intense à ce qu’on vit sur un tournage qu’on n’a pas envie que ça n’arrive plus. J’éprouve cela avec Grégoire Colin, évidemment avec Alex Descas, mais aussi Isaach de Bankolé, Béatrice Dalle, Vincent Gallo… Alex Descas est indispensable à mon équilibre fictionnel, en quelque sorte.
François, quand tu utilises une actrice très connue à la télévision comme Alexandra Lamy (Un gars, une fille) pour un rôle assez dramatique, ne crains-tu pas le coup de casting trop voyant ?
François Ozon – En casting, j’essaie de ne fermer aucune porte, d’être ouvert à toute possibilité sans oeillères, ni snobisme. J’ai déjà engagé des acteurs que je n’avais aimés dans aucun film, parce que pour tel projet, ils m’avaient paru intéressants. J’avais fait des essais et ça marchait. Pour le rôle de la mère de Ricky, j’ai rencontré énormément d’actrices, et quand j’ai vu Alexandra, j’ai trouvé une disponibilité et une profondeur de jeu qui m’ont convaincu. Et puis, sa popularité permettait, à mon sens, qu’on s’identifie plus facilement à une histoire où il y a quand même pas mal de couleuvres à avaler. Après, est venu le problème de la production. Alexandra a une vraie popularité mais les financiers du cinéma sont parfois très conservateurs. Des portes se sont fermées à cause de mon choix, qui ne correspondait pas à l’idée que se font les gens de mon cinéma.
Claire Denis – J’ai connu ça quand j’ai eu envie de tourner Vendredi soir avec Valérie Lemercier. Personne n’y croyait. Vincent Lindon OK, mais pas elle, ça ne pouvait pas fonctionner. Du reste, c’était vrai, puisque même le public n’a pas voulu de cet attelage. Pourtant, pour moi, ce qu’il y a de mieux dans le film, c’est Valérie. Ce n’est pas très joyeux le formatage des castings en France.
Quelle est votre analyse sur le paysage économique du cinéma français ?
François Ozon – Depuis dix ans, c’est toujours aussi difficile, mais j’ai appris à me battre et, venant du court métrage amateur, j’ai toujours été très proche de la production. J’ai toujours été conscient du prix des choses. J’admire énormément la rationalité économique du cinéma d’Eric Rohmer par exemple. J’ai toujours voulu que l’économie de mes films soit à la bonne hauteur des projets. Angel est mon seul accident industriel, il a coûté cher et a perdu beaucoup d’argent. Les autres films, quel que soit leur degré de succès, étaient économiquement fiables.
L’échec d’Angel, tu le prévoyais ?
François Ozon – Non, je ne le prévoyais pas du tout. Mais je l’ai compris très tôt, dès les premières projections. C’est un film qui ne marche pas du tout au premier degré. Et le fait que le personnage principal soit antipathique, mauvais écrivain, ait raté sa vie… ça faisait beaucoup. On me l’avait dit, d’ailleurs, mais à un moment donné, il faut n’écouter personne et croire à ce qu’on fait.
Claire Denis – En ce qui me concerne, j’ai l’impression que la pente est toujours aussi savonnée et qu’à chaque fois, il faut que je la remonte. Mes films n’ont jamais remporté de grands succès publics, sauf le premier, Chocolat. Peut-être ne sont-ils pas lisibles en effet au premier degré. Mais je n’en ai pas vraiment conscience. Ce dont je suis sûre, c’est de connaître l’économie dans laquelle je travaille. Dès que je ne comprends plus l’économie de quelque chose sur mes films, je ne peux plus rien faire.
François Ozon – Je suis comme toi, je suis paralysé quand je ne comprends pas comment les choses se paient et comment l’argent se distribue sur le film. Si tu n’as pas cette connaissance-là, tu n’es pas en accord avec le film que tu fais. 8 femmes, avec un producteur comme Alain Sarde, aurait pu coûter 100 millions de francs. C’était possible pour un projet comme ça de trouver autant d’argent. Mais j’ai voulu que le film se fasse à sa juste économie, pour 45 millions de francs. Ce dont je suis très satisfait.
Lors d’une interview, Jacques Doillon nous a confié qu’il ne pouvait plus voir les films des autres cinéastes, parce que ça l’empêche de se concentrer sur les siens. Cela nous avait frappés. Vous, vous appartenez plutôt à la catégorie des cinéastes qui voient beaucoup de films, non ?
François Ozon – Avant de faire des films, je voyais tout. Et voir un mauvais film m’intéressait autant qu’un bon. J’avais le sentiment d’apprendre. Maintenant, j’ai davantage l’impression de perdre du temps quand je vois un film que je ne trouve pas bon. Je vois encore beaucoup de films, malgré tout. Ça me nourrit autant que la vie. En cela, je suis un cinéaste cinéphile. Je ne peux pas faire table rase de ce que j’ai vu.
Claire Denis – Moi, par rapport à des amis comme Olivier Assayas, je suis totalement inculte. Ma culture cinématograpique s’est faite de bric et de broc. Par affamement, par désir aussi. J’ai aimé le cinéma comme une midinette, sans même imaginer que je ferais des films. Mais je pourrais dire, comme une midinette, qu’à partir de mon arrivée d’Afrique en France, à 14 ans, le cinéma m’a tout apporté, tout donné. Je suis restée la même, je vais toujours beaucoup au cinéma. Je comprends pourtant très bien ce que dit Doillon. Vu les films qu’il fait, ce qu’il attend de sa pratique du cinéma, je comprends : certains films ont besoin du repli sur soi. Moi, je marmonne, je rumine, je ressasse mon travail. Les choses me viennent beaucoup de la lecture et de la musique, mais certains films me laissent aussi des empreintes très fortes. En sortant de Boulevard de la mort, j’avais envie de pouvoir filmer une femme attachée sur le capot d’une bagnole, une cascadeuse aux muscles dressés… Cette séquence flashe tellement de désir, c’est inouï ! J’aime aussi énormément le cinéma de Lisandro Alonso (La Libertad, Los Muertos… – ndlr). Pas parce que j’appartiendrais à la même famille de cinéma. Tout simplement parce que les hommes qu’il filme me plaisent. Je suis attirée par ces hommes à la marge qui traversent à pied des espaces étrangers. Ils sont faits pour moi.
François, quels sont les films qui t’ont frappé récemment ?
François Ozon – Il y en a un où je me suis senti spectateur et plus du tout cinéaste, ce qui est rare : c’est Two Lovers. J’ai été happé, bouleversé… J’ai du mal à en parler parce que je n’ai presque pas vu la mise en scène. Alors que d’habitude je suis très attentif à la façon dont les films sont fabriqués. Je suis du genre à disséquer plutôt qu’à me laisser embarquer. Là, j’ai senti une telle plénitude de spectateur que j’ai vraiment oublié de le regarder en cinéaste. Rarement on a vu un personnage masculin aussi complexe, aussi fragile, que Joaquin Phoenix.
Claire Denis – Ah, on ne s’en remet pas tout de suite de ce film ! C’est presque une aventure physique. Moi, pendant huit jours, je marchais les bras en avant, comme ça, comme Joaquin Phoenix, je voulais un blouson beige comme lui… Two Lovers, c’est énorme. There Will Be Blood, j’y suis allée en pensant m’emmerder, parce que Daniel Day-Lewis, parfois ça tique un peu… Mais il y a quelques moments jouissifs.
Comme quoi ?
Claire Denis – Bon, de toute façon, voir au cinéma du pétrole qui jaillit, c’est hyperjouissif (rires). On se souvient de James Dean aspergé dans Géant… C’est vrai que le film est par ailleurs lourdingue, que la fin est pas possible, mais il y a des moments de mise en scène, très musicaux, qui m’ont marquée. Certains films français m’ont beaucoup plu aussi. L’Heure d’été d’Olivier Assayas, Les Plages d’Agnès de Varda… Et puis, j’étais récemment à Angers pour Premiers plans, festival de premiers films, et j’ai découvert un film anglais qui s’appelle Ellen, fait par un couple extraordinaire. Ça parle de la disparition d’une jeune fille dans un lycée. Je pense que ça te passionnerait, François. Je n’en suis toujours pas remise.
François Ozon – J’ai beaucoup aimé Elève libre de Joachim Lafosse. Il y a une confiance dans la simplicité de la mise en scène et une ambiguïté sur le personnage joué par Jonathan Zaccaï assez impressionnantes.
Quel sera votre prochain film ?
Claire Denis – Je suis en train d’en terminer un, tourné en Afrique, avec Isabelle Huppert et Christophe Lambert.
François Ozon – Moi, je vais tourner au printemps un film avec un budget très léger, en numérique, pour la première fois. Vu la difficulté qu’on a à monter nos projets, on va de plus en plus aller vers ce support, c’est très économique.
Claire Denis – Certains cinéastes le font mieux que d’autres. Quand on voit Still Life de Jia Zhangke, c’est sublime. Le problème, c’est que quand on veut faire la même chose que sur de la pellicule, mais en moins cher, ça peut devenir juste moche.
François Ozon – Oui, bien sûr, ça se travaille. Mais ça permet aussi de retrouver une vitalité étonnante…
Claire Denis – Oui ! La Graine et le Mulet n’est un film concevable qu’en numérique.
François Ozon – Bien sûr, mais aussi le film de Maïwenn, Le Bal des actrices, que j’ai vu hier, qui n’est pas complètement mon truc, mais où il y a de la vie, de l’énergie, et c’est grâce à sa petite caméra qui lui permet de filmer des choses mises en place très facilement, sans système de production lourd.
Claire Denis – J’ai hâte de trouver le bon projet qui me permettra d’expérimenter ça. J’ai l’impression que ce qui est intéressant avec la haute définition, c’est que ça oblige chacun à bien préciser le film qu’il veut faire et dans quelle économie. Et là, on revient à ce que l’on disait tout à l’heure. Aujourd’hui, on ne peut plus ignorer le cadre économique dans lequel on travaille. Sinon, on travaille mal.
Par Serge Kaganski et Jean-Marc Lalanne
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