Quelques mois après la sortie de Reservoir dogs, une rumeur ternissait quelque peu la réputation montante de Quentin Tarantino. Son premier film serait un plagiat quasi intégral d’un polar made in Hong-Kong de 1987. Double intérêt pour la sortie vidéo de City on fire : mesurer à sa juste dimension (insignifiante) le soi-disant calquage de […]
Quelques mois après la sortie de Reservoir dogs, une rumeur ternissait quelque peu la réputation montante de Quentin Tarantino. Son premier film serait un plagiat quasi intégral d’un polar made in Hong-Kong de 1987. Double intérêt pour la sortie vidéo de City on fire : mesurer à sa juste dimension (insignifiante) le soi-disant calquage de Reservoir dogs et réévaluer un cinéaste dont on ne connaît ici que Risque maximum, un faux pas hollywoodien avec Jean-Claude Van Damme. Hormis une trame scénaristique (l’infiltration d’un flic dans un gang de braqueurs) et une figure de style le duel triangulaire, à bout portant universalisée depuis l’avènement mondial du cinéma hong-kongais, Reservoir dogs n’emprunte pas plus à City on fire qu’à des dizaines de séries B américaines. Dans la plus malveillante des hypothèses, le film de Ringo Lam pourrait servir de prélude au film de Tarantino lorsqu’il dépeint le dilemme psychologique de son héros, partagé entre sa fonction d’agent de police et sa mission de taupe. Ce fil ténu entre bien et mal est l’obsession de Ringo Lam, cinéaste fasciné par la corruption, le filigrane de ses films noirs où il tend souvent un miroir entre des personnages jumeaux à peine séparés par leur statut social. City on fire actualise en cela un axiome du wu xia pian (le film de sabre) et devient même créateur d’une figure phare du polar local : les frères d’armes siamois, incarnés par le même excellent duo Chow Yun Fat/Danny Lee deux ans plus tard dans le mythique Killer de John Woo.
Lam pousse sa fascination pour la corruption jusque dans la construction de ses films policiers, stupéfiante alliance entre un traitement quasi documentaire et des scripts ancrés dans la fiction. Ainsi, City on fire brille d’éclats presque melvilliens en s’attardant sur les coulisses de sa trame policière. Le cinéaste met un point d’honneur à traiter sur le même plan la peinture d’une organisation criminelle et celle de la complexe vie privée de son personnage principal, à confronter la violence des scènes de braquage aux éclats tout aussi blessants d’une relation conjugale tourmentée. Si City on fire devait trouver des équivalents américains, on irait plutôt chercher du côté de l’univers d’un Friedkin que de celui d’un Tarantino.