La cruauté du lien défait entre une mère et sa fille pour un premier film pudique et courageux. Circuit Carole est un film à la fois modeste et audacieux. Modeste parce qu’il ne sort jamais du cadre minimaliste qu’il s’est fixé. Et audacieux parce qu’il se coltine un travail délicat : la dissection du lien […]
La cruauté du lien défait entre une mère et sa fille pour un premier film pudique et courageux.
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Circuit Carole est un film à la fois modeste et audacieux. Modeste parce qu’il ne sort jamais du cadre minimaliste qu’il s’est fixé. Et audacieux parce qu’il se coltine un travail délicat : la dissection du lien ambivalent qui unit puis désunit une mère et sa fille. Circuit Carole aborde frontalement ce sujet et s’y accroche obstinément. Quitte à faire un peu la gueule (dialogues au compte-gouttes), à renoncer au plaisir de séduire. Du premier au dernier plan, Emmanuelle Cuau montre en fait qu’un tel sujet exige autant de générosité que de cruauté.
Pas d’attachement sans sacrifice. Jeanne et sa fille Marie habitent ensemble. La mère travaille dans un bureau. La fille glande à moitié, écoute de la musique. Maigres fiches signalétiques : Cuau fait table rase en soustrayant de son récit ces fâcheux repères qui anéantissent d’emblée deux films sur trois. Point d’enrobage fictionnel donc, mais des plans-séquences arides qui se contentent d’enregistrer des moments a priori sans importance. Des attitudes au quotidien : Jeanne et Marie dans les allées d’un grand magasin, autour d’une table, dans le métro. Elles ont l’air plutôt complices. Mais les gestes et les regards vifs chez Marie, absents chez Jeanne traduisent déjà un décalage insurmontable.
La découverte du circuit Carole par Marie accentue l’isolement de Jeanne. Pendant que la fille s’éclate en moto avec un copain, la mère commence à sombrer dans l’attente angoissante de sa fille. Obsédée par l’idée de l’accident, elle tourne en rond dans l’appartement, reste prostrée près du téléphone, ou dérive dans la rue en pleine nuit. Processus d’autodestruction qui fait d’elle une enfant apeurée. Les rôles s’inversent : la mère s’efface lentement, habitée par la mort, tandis que sa fille s’affirme et se met à vivre.
Le poids de la culpabilité, le trop-plein d’amour, l’égoïsme inconscient : Cuau filme ses sentiments avec une grande justesse, qui doit beaucoup au formidable dosage de ses deux actrices. Mais pas seulement. Car la mise en scène creuse peu à peu la séparation des deux trajectoires en faisant toujours en sorte qu’elles puissent se répondre. Il semble que ce soit toujours à travers le regard de sa fille. Et réciproquement. Les séquences, presque surréelles, ressemblent alors à des sortes de révélations. Elles rappellent celles qui nous animent quand une personne très proche nous offre, brutalement et à son insu, une image d’elle que nous ne connaissions pas ou que nous avions fini par manquer. Marie voit ainsi sa mère vieillir et celle-ci, au détour d’un virage, découvre la jeunesse de sa fille. Banalité cruelle et violente mais toujours filmée de manière distancée, avec une tendresse égale pour les deux personnages.
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