Un soft-porn agréable à l’idéologie parfois nauséabonde.
Une fessée, puis deux. Anastasia Steal n’a pas été sage : elle a levé les yeux au ciel. Tandis qu’il la rudoie, l’homme d’affaire et milliardaire Christian Grey lâche cette phrase, mi menace, mi promesse de nirvana: « Welcome to my world ». En dépit de ces sommets kitsch (ils sont nombreux) et sa réputation de film merchandising (sortie deux jours avant la Saint-Valentin, plan com oblige), l’adaptation de la franchise à succès signée E.L James est plutôt une bonne surprise. L’héroïne y est moins cruche que dans le roman. Certes Ana se mord toujours autant la lèvre, quand elle ne mâchouille pas un crayon incrusté du nom de son amant (la classe) mais son interprète substitue au côté bécasse une frimousse à la Zoey Deschanel, girl next door innocente et intello qui préfère les livres aux garçons. Si elle appartient à une illustre lignée (fille de Mélanie Griffith et Don Johnson, petite fille de Tippi Hedren), Dakota Johnson est encore rare au cinéma (on l’a vue dans The Social Network), tout comme Jamie Dornan, acteur irlandais repéré dans la série The Fall dont la fadeur n’est qu’apparente et qui investit son rôle de gentil pervers avec un certain panache. Jusqu’à ce plan, fugitif et néanmoins spectaculaire, de ses poils pubiens.
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On n’en attendait pas tant de cette romcom à l’érotisme censément frelaté, formaté pour les adolescentes pré-pubères, qui étouffe toute puissance sexuelle au profit d’une mise en scène somme toute assez caressante. Malgré son emballage soft-porn agréable, le film souffre parfois d’une idéologie balourde et nauséabonde qui se repaît de clichés sur la différence entre les sexes (l’héroïne qui rêve de conjugalité et se met aux fourneaux en chantonnant tandis que son amant pilote de grosses voitures), les rapports de classes (la « domination » sociale et forcément sexy du héros aux yeux de sa pouliche), et une toile de fond psy qui tend à faire du sado-masochisme une pathologie, et surtout pas un acte de transcendance ou de liberté. Reste l’extrême solitude des personnages entrecoupée de jolis et chastes frôlements. Chacun est prisonnier de son fantasme, de sa vision de l’amour, et ce conflit parvient à s’incarner au cours de quelques vraies et sincères scènes de ménage.
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