La philosophie et le cinéma ont toujours entretenu des rapports étroits, et ce n’est pas pour rien que l’un des grands livres théoriques sur le cinéma a été écrit par Deleuze. Témoin encore ces jours-ci, la parution d’un petit “manuel de cinéphilosophie”, La Philosophie sur grand écran, par un certain Olivier Dekens, professeur dans un […]
La philosophie et le cinéma ont toujours entretenu des rapports étroits, et ce n’est pas pour rien que l’un des grands livres théoriques sur le cinéma a été écrit par Deleuze. Témoin encore ces jours-ci, la parution d’un petit “manuel de cinéphilosophie”, La Philosophie sur grand écran, par un certain Olivier Dekens, professeur dans un lycée de la banlieue parisienne. L’idée directrice qui a guidé l’auteur n’est pas que les films illustrent les concepts philosophiques, ce qui serait bêtement scolaire, mais qu’ils “offrent un accès à la réalité différent de celui que ménage la pensée, mais comparable à celui-ci par ses objets et par la spécificité de son médium”. Dekens a structuré son ouvrage de façon très simple et accessible : pour chaque chapitre, un concept philosophique (présenté avec clarté et concision), un philosophe (dont on cite un extrait emblématique du concept en question), un film (que l’on confronte au concept). Prenons par exemple le chapitre sur le temps : Dekens présente d’abord une petite historiographie philosophique du temps, d’Aristote à Lévinas, puis il cite un extrait des Confessions d’Augustin, discute cet extrait, et enfin écrit sur Elephant de Gus Van Sant : “Van Sant fait un grand film sur le temps, peut-être en son acception la plus bergsonienne, celle de la durée subjective. Cela n’est possible que par la construction même du film, succession de moments indexés sur la temporalité propre de chaque personnage.” Tous les grands objets de la philo (le sujet, la perception, le désir, l’existence, le langage, la vérité, etc.) passent ainsi au crible un choix de films très stimulant et varié, puisqu’on trouvera ici aussi bien des classiques de cinémathèque (Vertigo, Rashomon, La Nuit du chasseur…), des films cultes et populaires plus récents (Shining, Blade Runner, Minority Report…), des emblèmes de la modernité (Rome ville ouverte, Pierrot le fou, Théorème…), de la série B (Land of the Dead), et du très contemporain (Mulholland Drive, Rois & reine, A History of Violence…). Un tel livre (de bonne vulgarisation) ne s’adresse sans doute pas en priorité aux spécialistes de philosophie. En revanche, pour ceux qui comme moi s’intéressent de près au cinéma mais sont des cancres philosophes (souvenirs de lycée, bribes basiques acquises au fil de lectures de façon autodidacte et aléatoire…), cet ouvrage ouvre d’autres portes d’accès aux films en faisant coup double : introduction à la philo et réactivation d’un plaisir du cinéma qui n’a pas fini de nous travailler, de nous aider à penser et ressentir.
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