Cas unique parmi les contrées d’Asie occidentale, la Géorgie, riant pays de vergers sis au bord de la mer Noire, a toujours fait figure de pays méditerranéen. Témoin, son cinéma qui, loin de distiller l’ennui, nous parle d’un monde gracieux et bon enfant, plein de douceur de vivre. On a du mal à croire qu’un […]
Cas unique parmi les contrées d’Asie occidentale, la Géorgie, riant pays de vergers sis au bord de la mer Noire, a toujours fait figure de pays méditerranéen. Témoin, son cinéma qui, loin de distiller l’ennui, nous parle d’un monde gracieux et bon enfant, plein de douceur de vivre. On a du mal à croire qu’un certain Joseph Djougachvili, dit Staline, y vit le jour. Passons et intéressons-nous au programme de treize films présentés au Cinéma des cinéastes à Paris, qui fournit un échantillon parfaitement représentatif, un vrai best-of, de la production locale depuis 1955. D’abord on reverra avec un plaisir non dissimulé le pimpant et aérien Il était une fois un merle chanteur (1970) d’Otar Iosseliani : la baguenaude d’un percussionniste entre deux coups de timbales. La comédie à la géorgienne peut être parfois acide, comme le prouve L’Exposition extraordinaire (1968) d’Eldar Chenguelaïa, fable sur les activités très spéciales d’un jeune sculpteur. Un chef-d’œuvre de l’absurde, dit-on. Et puis, dans un registre plus innocent, il faut absolument voir les courts métrages de Mikhaïl Kobakhidzé, qui firent s’extasier toute la critique lors de leur découverte tardive en France en 1996. Comparant Kobakhidzé à Buster Keaton et Tati, Dominique Marchais écrivait dans Les Inrocks que ses films, « où les gens expédient leur travail pour aller courir après des parapluies volants (…), sont comme la résultante d’un passage aux rayons X de tout le cinéma comique, sa radiographie, son squelette ».
Mais le cinéma géorgien, ce n’est pas que de la rigolade. Primé à Cannes en 56, L’Ane de Magdana de Tenguiz Abouladzé et Rezo Tchkeïdzé fut assimilé au néoréalisme. Cette histoire d’âne objet d’une procédure judiciaire fut célébrée pour sa « vérité » et sa « poésie ». Poésie : le mot revient systématiquement à propos du cinéma géorgien, qu’il s’agisse de Iosseliani, d’Abouladzé, de Kandélaki avec son Evénement (1979), drame paysan plutôt âpre, de l’incontournable Sergueï Paradjanov, le plus arménien des Géorgiens, dont certains découvriront les tableaux vivants de La Légende de la forteresse de Souram (1984), geste héroïque à la manière des vieilles enluminures. Mais les films les plus récents montrent que la donne a changé. Fini les choses délicates : Le Cimetière des rêves (1996) de Guiorgui Khaindrava a été tourné en plein milieu des combats fratricides entre la Géorgie et l’Abkhazie (province dissidente). La poésie sent un peu le roussi.
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