“Je m’appelle Chantal Akerman et je suis née à Bruxelles. Et ça, c’est vrai.” Parvenir à dire quelque chose de soi qui ne soit pas invalidé par l’instant qui suit est chose difficile. Chantal Akerman y parvient, après une heure et bien des détours, par ces phrases qui concluent le film. Parler de soi en […]
« Je m’appelle Chantal Akerman et je suis née à Bruxelles. Et ça, c’est vrai. » Parvenir à dire quelque chose de soi qui ne soit pas invalidé par l’instant qui suit est chose difficile. Chantal Akerman y parvient, après une heure et bien des détours, par ces phrases qui concluent le film. Parler de soi en déclinant son identité et son lieu de naissance, c’est véridique. Mais c’est maigre. Aussi, aux certitudes préférera-t-on les hypothèses et les approximations qui font de ce Cinéma, de notre temps un film dynamique, une très belle tentative d’autoportrait, plutôt qu’un miroir que la cinéaste se tendrait, un film narcissique et définitif. Un anti-JLG/JLG donc, qu’Akerman a vu et apparemment peu aimé (« J’ai été prise d’angoisse »). L’idée d’un Akerman par Akerman pouvait sembler stérile dans la mesure où la cinéaste ne fait que cela depuis le début (Saute ma ville, 1968) mais c’était pourtant une bonne idée tant la question de l’identité est la grande affaire de son cinéma. C’était son idée et elle a vite regretté de l’avoir eue, se comparant à un marchand qui n’arrive pas à vendre sa vache, incapable qu’il est d’en parler et se contentant de répéter « Ceci est une vache. » « Quelqu’un d’autre pourrait faire comme si les paroles du cinéaste étaient vérité sur son travail, comme si elles ouvraient vraiment une brèche sur l’origine de son désir de faire et de continuer à faire, comme si le metteur en scène, son visage, son sourire, ses silences et son corps en disaient plus long sur son travail. Moi, toute seule, j’ai du mal à faire comme si. » Plus loin, elle dit « Je perçois avec découragement l’artifice de la sincérité, je suis donc très découragée. » C’est donc sur cette impossibilité à faire son autoportrait que Chantal Akerman va faire son film, essayant tout de même d’approcher, par cercles concentriques, l’origine de ce désir de faire, évoquant sa grand-mère maternelle qui peignait en secret. Séparant sa parole de ses images, elle parle longtemps d’abord, assise dans son appartement, puis montre un montage d’extraits de ses films. Montage qui fait d’elle la spectatrice de son cinéma et qui, à défaut d’être cet autre dont elle a besoin pour parler, présente quand même une résistance, une permanence, une solidité que l’on ne trouve jamais en soi lorsque l’on tente de se dire.
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