A première vue, la fiction israélienne semble plutôt faible, mais un extraordinaire documentaire relève le niveau. Corée, Japon, Allemagne, et maintenant Israël. On n’en finit pas de nous fourguer toutes sortes d’inédits sous forme de packages nationaux. Des films trop faiblards pour qu’on les laisse s’aventurer en solo dans la jungle des salles parisiennes ? […]
A première vue, la fiction israélienne semble plutôt faible, mais un extraordinaire documentaire relève le niveau. Corée, Japon, Allemagne, et maintenant Israël. On n’en finit pas de nous fourguer toutes sortes d’inédits sous forme de packages nationaux. Des films trop faiblards pour qu’on les laisse s’aventurer en solo dans la jungle des salles parisiennes ? Cela semble probable dans le cas israélien, si l’on considère deux échantillons choisis parmi seize films pour les soumettre à notre appréciation. D’abord Une Grâce stupéfiante (1992), titre bien prétentieux pour un morne et languissant roman-photo pédé d’Amos Gutman qui sent la naphtaline. Ensuite Aya, une autobiographie imaginaire (1994), oeuvre plus consistante mais assez mièvre de Mihal Bat-Adam, pilier du cinéma israélien, auteur de huit longs métrages, qui cumule les fonctions de scénariste, réalisatrice et actrice. Dans Aya, mixture très light de 8 1/2 et Amarcord où se mêlent passé et présent, rêve et réalité, la comédienne-cinéaste incarne… une cinéaste qui tourne un film sur son enfance. Pas de quoi sauter au plafond. Surtout que le personnage principal, à trois âges de sa vie, se cantonne dans l’évanescence. Bref, l’académisme à visage humain. Doit-on en déduire que, à part Amos Gitaï, circulez, il n’y a rien à voir dans le cinéma israélien ? Non ! Si c’est peu encourageant côté fiction, côté documentaire il y a de l’espoir avec l’extraordinaire Choix et destin (1988-93) de Tsipi Reichenbach. Le thème : l’évocation de la Shoah par les parents de la cinéaste. Sujet a priori bateau en Israël, mais qui prend ici une force incroyable. Primo, grâce à la mise en scène : pendant que le père, Yitzak, relate sa non-existence à Birkenau-Auschwitz puis à Mauthausen, en voix in ou off, la mère, Fruma, s’affaire inlassablement à la préparation des repas familiaux (le film a été tourné sur cinq ans). Secundo, il y a évidemment la teneur de ces souvenirs, dont l’horreur continue à dépasser l’entendement. Ce contraste entre la routine domestique chez les petits bourgeois et l’évocation de l’enfer sur terre est révulsant et fascinant à la fois ; privations alimentaires dans les camps d’extermination et, cinquante ans plus tard, ripailles quotidiennes ; pratiques cannibales à Mauthausen et découpage énergique d’un poisson par la ménagère israélienne… Est-ce Auschwitz, le nazisme, qui sont monstrueux ou bien ces contrastes insensés ? En attendant la réponse, Choix et destin est un document à projeter en boucle.
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