On n’aura jamais vu autant de films marocains qu’en cette année où l’on célèbre en grande pompe le pays du roi Hassan II, génie du marketing qui, pour parachever l’événement, a choisi de disparaître au même moment. Pour cette nation patriarcale, la perte de ce père symbolique a bien sûr été une tragédie. La question […]
On n’aura jamais vu autant de films marocains qu’en cette année où l’on célèbre en grande pompe le pays du roi Hassan II, génie du marketing qui, pour parachever l’événement, a choisi de disparaître au même moment. Pour cette nation patriarcale, la perte de ce père symbolique a bien sûr été une tragédie. La question de l’absence du père sert également de point de départ à ces Chroniques marocaines, où une mère esseulée avec son garçon va lui raconter trois histoires. On peut toujours ergoter, dire que c’est une manière paresseuse pour le cinéaste Moumen Smihi révélé dans les années 70 avec son premier long métrage El Chergui ou le silence violent de relier entre eux trois simples courts métrages. Mais on verra surtout dans ces Chroniques une référence à la tradition arabe de l’oralité, et plus précisément aux contes des Mille et une nuits. D’ailleurs, la première histoire se déroule sur la place Djemaa el-Fna de Marrakech, célèbre pour ses conteurs. Là, on assiste aux tracasseries infligées par des garnements vicieux à un pauvre dresseur de singe. Début quasiment documentaire, les protagonistes sont campés dans le décor populeux de la place. Mais c’est dans la cour intérieure d’une maison perdue dans le lacis des ruelles tortueuses qu’un drame se nouera et se dénouera, dignement, sans folklore. Une fin morale et incongrue à la fois pour cet épisode, le plus fort et le mieux ancré dans la réalité locale. Les autres contes sont moins convaincants. Notamment le deuxième, situé à Essaouira, histoire abstraite de badinage amoureux. Le troisième démarre bien, dans une ambiance à la Pagnol : sur le port de Tanger, quatre vieux marins, plus hâbleurs les uns que les autres, palabrent. L’un d’eux prétend qu’un trésor gît dans le ventre d’une baleine et qu’il va aller la harponner. Il s’exécute, mais à la manière de don Quichotte s’attaquant aux moulins à vent. L’homme prend un cargo pour le cétacé. Hélas, Smihi en reste à la théorie et exprime platement ce choc terrible entre les chimères du vieil homme et la réalité du monde moderne. Mais en dépit de ses maladresses, le film apporte un peu de fraîcheur dans un paysage cinématographique où le professionnalisme et la sophistication esthético-narrative ont presque réduit à néant toute sincérité.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}