Après Louis Garrel, Olivier Assayas, Bertrand Bonello, Catherine Deneuve et Jane Birkin, c’était au tour du réalisateur Christophe Honoré de parler de sa cinéphilie et de son rapport à l’image au micro de Jean-Marc Lalanne, journaliste aux Inrocks, dans l’émission « Dans les yeux de… » sur Radio Nova.
Cinéaste, écrivain, metteur en scène de théâtre et d’opéra, Christophe Honoré tisse depuis quelques années une oeuvre éclectique entre films autobiographiques et adaptations de classiques littéraires.
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Cinéma obsédé par l’image, les corps et la mémoire, Christophe Honoré met aussi en lumière les jeunes comédiens les plus fascinants de notre époque. « J’aime bien regarder les autres et qu’ils se laissent regarder. La réciproque m’est souvent pas agréable. »
« Une cinéphilie de pur plaisir »
Si le cinéaste devait se remémorer son premier souvenir d’une image, ce serait celle d’un tableau qu’il découvrait à l’intérieur de tablettes de chocolat qu’il collectionnait. Sur les murs de sa chambre d’adolescent, on trouvait des photos épinglées de Subway de Besson et de Paris, Texas de Wenders. Au dessus de son lit, était accolé un poster de Birdy d’Alan Parker ce qui était d’abord, selon lui, une « cinéphilie de pur plaisir ». Il décida de l’enlever quelques années plus tard, par honte.
Puis, un rejet violent
En grandissant, intervient une bascule violente, il se détache alors brutalement des films qu’il a aimés, comme une morale sectaire qu’il s’impose à lui-même. De même, en musique, il quitte la variété de Dave et Sylvie Vartan au profit de Téléphone et Police pour les rejeter à nouveau et se rapprocher des guitares lancinantes des Cure, de Noir Désir et des Smiths. Il est intéressant de voir comme l’éducation artistique du cinéaste s’est construite de ces violents rejets pour mieux se retrouver dans d’autres œuvres, comme une perpétuelle remise en cause de ses goûts qu’il met à jour, renouvelle.
A son arrivé à la fac, la cinéphilie autodidacte de Christophe Honoré est remplacée par une plus universitaire, nourrie de rétrospectives de grands cinéastes. Ses héroïnes et héros de l’époque, Deneuve, Adjani, Huppert, Depardieu, Dewaere, sont remplacés par Bergman, Antonioni, Fassbinder ou Truffaut. La figure du réalisateur devient centrale et relaye l’acteur au second plan.
Éloge de l’acteur
Puis plus tard, le cinéaste raconte la place privilégiée que retrouvera les acteurs et actrices dans sa vie.
« Quand j’ai commencé à travailler aux Cahiers du cinéma, je me souviens d’un papier que Serge Toubiana (rédacteur en chef de la revue) à l’époque n’avait pas voulu faire passer. C’était un papier sur les mauvais acteurs français – qui était un papier de pure mauvaise foi de ma part évidemment – où je listais des acteurs comme ça. »
A la question : « Peux-tu nous en citer deux ou trois ?« , Christophe, un peu gêné, répond : « Non car, c’est terrible, mais il y en a avec qui j’ai travaillé plus tard… » Il poursuit:
« L’amour des acteurs me semble important car qu’on était très en accord avec une réflexion critique autour du cinéma qui peut être théorique, mais l’acteur est souvent oublié au profit du seul metteur en scène. »
Honoré aborde aussi les influences qui nourrissent ses films, de l’inspiration d’Une femme est une femme de Jean-Luc Godard pour les décors de l’appartement des Chansons d’amour – le film de Godard, étant, d’ailleurs, tourné dans le même quartier – à la coupe de cheveux de Ludivine Sagnier identique à celle de Catherine Deneuve dans Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy.
« Le film est faux-cul en permanence«
Lorsque Jean-Marc Lalanne lui demande de citer le dernier film que le réalisateur est allé voir au cinéma, Christophe Honoré répond Moonlight, qu’il a détesté. Il s’insurge alors contre le film oscarisé de Barry Jenkins.
« C’est un film qui, en tant qu’homosexuel, m’embarrasse énormément parce que j’ai l’impression qu’on est sur ‘l’homosexualité, ce douloureux problème’. Et que le film, en voulant travailler sur la honte, pourtant un sujet très intéressant, propose une forme qui est, pour moi, honteuse dans l’évitement absolu de la sensualité, de la représentation de l’homosexualité, dans le bon goût permanent que le film affiche et une manière de surtout pas heurter le spectateur avec quelque chose qui serait, quand même, un peu dégueulasse. Le film est faux cul en permanence (…) et évite constamment son sujet et, en revendiquant un discours très bien pensant, fait exactement l’inverse de ce qu’il prétend. »
Le film a d’autant plus heurté le cinéaste qu’il travaille en ce moment même sur un projet autour de cette thématique : « J’y ai vu tout ce que je ne voulais pas faire »
Christophe Honoré conclut en déclarant qu’il ne se lassera jamais de regarder Chiara Mastroianni. D’abord parce qu’elle incarne la mémoire de ses parents : Catherine Deneuve et de Marcello Mastroianni, les fait exister au présent et puis aussi, simplement, parce qu’elle est belle…
Un entretien passionnant où durant une heure le cinéaste aborde aussi la série Transparent de Jill Soloway, sa fascination pour le gif, les acteurs pornos ou encore la place de la culture dans le discours politique.
L’émission est à retrouver en intégralité ici.
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