Aux antipodes de Roberto Succo, dissection éthiquement irréprochable, Chopper célèbre les turpitudes de Mark Read, l’autoproclamé plus grand criminel australien, auteur de dix-neuf meurtres et d’une autobiographie fanfaronne qui hissa le serial-killer au rang de best-seller. Du point de vue de la matière livresque, de leur statut, étoffe ou personnalité, tout sépare les deux figures. […]
Aux antipodes de Roberto Succo, dissection éthiquement irréprochable, Chopper célèbre les turpitudes de Mark Read, l’autoproclamé plus grand criminel australien, auteur de dix-neuf meurtres et d’une autobiographie fanfaronne qui hissa le serial-killer au rang de best-seller. Du point de vue de la matière livresque, de leur statut, étoffe ou personnalité, tout sépare les deux figures. Succo suicidé, il reste une entité insaisissable, un cas d’espèce insubordonné au catalogage. Toujours vivant, Mark « Chopper » Read est un carriériste de la fange qui collectionne les forfaits comme autant de trophées pour accéder à la célébrité. Quand bien même prétendant s’intéresser avant tout à la mécanique du crime, Andrew Dominik n’en est pas moins, face à son sujet hâbleur, en équilibre instable entre répulsion et fascination. Il lui reste alors à frayer dans un entre-deux délicat en proposant une œuvre à la structure bicéphale suffisamment habile pour ne pas se voir taxer de transversalité faux-cul. La première partie, qui relate l’incarcération de Chopper durant les 70 s, est la plus probante, soumise à une stylisation épurée et froide qui transfigure l’univers pénitentiaire en un plateau de théâtre débarrassé de repères et d’enluminures.
Saut de dix ans dans le temps, et radical changement de registre dans la seconde moitié : rendu à la liberté, Chopper est devenu son pire ennemi, son propre antagoniste, paranoïaque asphyxié par un monde sans barreaux. Une lacération de la psyché qui se fond en un univers de stridences et saturations, laminé par le hachoir du montage ? Dominik vient du clip, c’est un peu sa limite. Au centre de cette fracture, une géniale intuition de casting : Eric Bana, le Beat Takeshi austral, comique cathodique et bouffon caméléon, sublime son personnage. Serpent sec puis raging bull, il est l’indispensable funambule qui empêche Chopper de verser, pute ou curé, hagiographe ou contempteur, dans l’ornière redoutée.
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