Interrogé l’année dernière en marge du festival de Berlin où il présentait son documentaire au zoo Bestiaire (en salle depuis le 27 février), le Québécois Denis Côté résumait en ces termes ses intentions : “Redonner enfin son statut d’animal à l’animal.” Filmer des bêtes en cage, observer leurs déplacements et mouvements d’humeur, enregistrer leurs râles, […]
Interrogé l’année dernière en marge du festival de Berlin où il présentait son documentaire au zoo Bestiaire (en salle depuis le 27 février), le Québécois Denis Côté résumait en ces termes ses intentions : « Redonner enfin son statut d’animal à l’animal. » Filmer des bêtes en cage, observer leurs déplacements et mouvements d’humeur, enregistrer leurs râles, neutraliser son point de vue d’auteur et suspendre le sens en autorisant toutes les interprétations possibles : le geste pourrait paraître anodin, mais il est infiniment novateur. Il s’inscrit en rejet de toutes les conventions du cinéma contemporain, et plus précisément du sous-genre le plus méprisé des cinéphiles à égalité avec le porno : le film animalier, autrefois réservé à quelques scientifiques magiciens (Jean Painlevé et ses drôles d‘Histoires de crevettes, dont Louis Skorecki vantait l’influence surréaliste). L’essentiel de la production animalière semble en effet n’avoir qu’une seule visée: faire de l’animal un peu plus qu’une simple bête, plutôt un corps doté de conscience, et parfois de parole.
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C’est la plaie de l’anthropomorphisme gaga qui se vérifie chaque semaine, de documentaires pédagogues en fables Disney, de pyrotechnies vues du ciel en pleurnicheries écolo. Que l’on parle de l’extermination massive des insectes (Des abeilles et des hommes, docu suisse sorti le 20 février où de vieux messieurs nous alertent sur l’état des bestioles bourdonnantes) ou que l’on observe un primate dans son environnement naturel ( Chimpanzés, un Bambi live scandé par une voix off didactique et des inserts sur les moues boudeuses des singes), c’est toujours le même sentimentalisme à l’oeuvre, la même manière de filmer les bêtes comme délivrées de leurs instincts primaires, détentrices des secrets du monde, le même entêtement à faire de l’animal un homme comme tout le monde.
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