L’adaptation légère et swingante d’un riche roman graphique.
C’est l’été, vous reprendrez bien un peu de cuba libre ? Cubain, le musicien Bebo Valdés l’était assurément. Libre aussi, mais plutôt dans sa tête que dans les réalités du régime castriste.Chico & Rita est inspiré de la vie de Valdés, mais aussi de celles des musiciens de la galaxie Buena Vista Social Club.
Pianiste dans la dèche, Chico rencontre la chanteuse Rita (une bombe métisse) dans le Cuba festif et fifties du régime finissant de Batista. Amours torrides et tourmentées, carrières parallèles montantes, jalousies, malentendus, séparations.
On suit leurs destins croisés sur une cinquantaine d’années, de La Havane à New York, de Paris à Las Vegas, sur fond d’histoire du jazz et de la musique cubaine.
Magnifique, la BO de Chico & Rita imprime son swing, son élan et sa mélancolie au film. Le dessin de Javier Mariscal est saisissant dans la représentation des lieux, produisant un rendu architectural et urbain de toute beauté, magnifiant les villes, leur typicité, leur mobilier urbain.
D’un bar ouvert sur rue de La Havane aux enseignes clignotantes de Broadway, des néons de Vegas à ceux de Cuba, d’un immeuble art déco aux enluminures haussmanno-parisiennes, le film est une véritable odyssée urbaine, un superbe hommage réaliste et stylisé à tout un pan de la pop culture du XXe siècle, englobant la musique, le graphisme, le design, l’architecture…
En revanche, le dessin se prête moins ici à l’incarnation des personnages. Aussi talentueux soit-il, un trait de crayon (ou de palette graphique) peut-il être aussi expressif ou complexe qu’un vrai visage ? Le cinéma, n’est-ce pas avant tout des corps et des visages humains ? Les vieilles questions baziniennes se reposent éternellement. Toujours est-il qu’on est ici peu touché par une histoire d’amour qui devrait être bouleversante et qu’on se dit qu’on le serait avec des acteurs de chair et d’os.
Cependant, cette supposée suprématie de la prise de vue réelle est mise en doute par la séquence finale, que l’on ne dévoilera pas, si ce n’est pour dire que cette émotion, qui n’était que théorique tout au long du film, finit par nous transpercer le cœur et le corps.
Swinguant et métissé, tonique et mélancolique, historique et intimiste, léger et plaisant, Chico & Rita est un bon cocktail estival. Tournée générale de cuba libre !
Chico & Rita, avec les voix de Bebo Valdés, Idania Valdés, Estrella Morente
A lire aussi Chico & Rita de Javier Mariscal et Fernando Trueba (Denoël Graphic), 210 p., 23 €