Le nouveau film de Lucas Belvaux suscite un véritable tollé à l’extrême-droite qui dénonce « un film anti-FN », financé « par le contribuable français » et dont le coût devrait selon eux être imputé aux comptes de campagne de leurs adversaires. Mais qu’en est-il réellement ?
Chez nous, le dixième long-métrage de Lucas Belvaux, raconte l’histoire d’une jeune infirmière à domicile qui se retrouve enrôlée par le « Bloc patriotique » pour mener campagne dans une petite ville de province. Au casting, on retrouve Emilie Dequenne dans le rôle principal, André Dussolier dans le rôle de l’élu du BP et Catherine Jacob en chef du parti. Il sortira le 22 février sur nos écrans.
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Une analogie revendiquée
L’analogie entre le Bloc patriotique et sa chef de file et le FN et Marine le Pen est évidente. De plus, le nom de la ville en question, Hénard, est la contraction de Hénin-Lieutard, ancien nom d’Hénin-Beaumont, un fief FN dont le maire, Steeve Briois, est un haut cadre du parti. Lucas Belvaux ne s’en cache absolument pas et affirme même dans le dossier de presse du film s’être beaucoup documenté :
» Tout ce qui concerne l’extrême droite, ses différentes composantes, la nébuleuse, ce qui se dit sur internet (ce qu’on appelle la ‘fachosphère’) est très documenté dans le film. On n’a rien inventé, si ce n’est ce qui relève directement du récit. Pour revenir à la question, il y a toujours, dans tous les partis politiques, une forme de marketing, de publicité, de propagande… C’est même l’objet d’une campagne électorale. Ce qui différencie le FN, c’est qu’il est face à deux problématiques singulières : montrer une image respectable et pouvoir présenter des candidats partout, alors qu’ils manquent de cadres. C’est aussi pour cela qu’il y a autant de jeunes et de femmes sur les listes des partis d’extrême droite, et c’est vrai dans tous les pays d’Europe. Il faut donner l’image d’un parti jeune, souriant, proche du peuple, un parti du ‘renouveau’. Et pour les candidats ‘novices’, ceux qui n’ont aucun parcours politique préalable, cela représente une reconnaissance et une ascension rapide au sein d’une formation politique, alors que dans les partis traditionnels, c’est plutôt bouché. »
Il est vrai que le récit de Chez nous, fait penser aux témoignages que d’anciens élus FN ont pu faire. Notamment celui de Romain Tardieu, conseiller municipal de la ville de Brignoles dans le Var et ancien membre du FN dont le témoignages avait été recueilli en juin dernier lors de l’émission Les Pieds sur Terre sur France Culture.
Un film engagé mais pas militant
Mais pour le réalisateur :
« Chez nous est un film engagé, oui. Il n’est pas militant pour autant, il n’expose pas vraiment de thèse. J’ai essayé de décrire une situation, un parti, une nébuleuse, de décortiquer son discours, de comprendre son impact, son efficacité, son pouvoir de séduction. De montrer la désagrégation progressive du surmoi qu’il provoque, libérant une parole jusqu’ici indicible. D’exposer la confusion qu’il entretient, les peurs qu’il suscite, celles qu’il instrumentalise. »
Un avis que ne partagent pas plusieurs cadres du FN. Dimanche dernier dans le Grand rendez-vous Europe 1/Les Échos/iTélé, Florian Philippot, le numéro deux du FN a déclaré :
« D’après la bande annonce que j’ai vue […], ça a l’air d’être un joli navet, mais, au-delà de la qualité du film, je trouve ça proprement scandaleux qu’en pleine campagne présidentielle, je crois précisément à deux mois du vote, on sorte dans les salles françaises un film qui est clairement anti-Front national. » Puis il propose de « mettre le budget de ce film sur les comptes de campagne de nos adversaires »
D’autres dirigeants du FN lui ont emboîté le pas sur twitter. Notamment Steeve Briois, Gilles Pennelle, président du groupe FN à la région Bretagne et Nicolas Bay, secrétaire général du FN :
Florian Philippot s’est également exprimé via son compte twitter :
Au-delà de l’aspect très discutable de juger la portée idéologique d’un film sur sa bande-annonce et d’attaquer une actrice sur son physique, il faut démêler le vrai du faux dans ces affirmations sur le financement du film.
Financé à 20% par de l’argent public
L’Express s’est penché sur son budget. Sur les 5,34 millions qu’il a coûté, un million vient du producteur, Synecdoche, 500.000 du distributeur, Le Pacte, et 400.000 des Sofica, sociétés de financement qui agrègent des investissements privés. La télévision a ensuite investi dans Chez nous ; Canal+ a injecté 1,4 million d’euros, Ciné+ 190.000, France Télévisions 500.000 et France 3, co-producteur du long métrage, 400.000. Enfin, il faut rajouter 800.000 euros de financements belges (dont la RTBF) et 150.000 euros du Conseil régional des Hauts-de-France.
Donc, si on part du principe que seuls les fonds alloués par la région sont des fonds publics, cela ne représente que 2, 80% du budget du film. Il faut pourtant ajouter l’argent investie par France Télévisions qui est une chaîne publique. Mais, même en faisant cela, on arrive à peine à 20% du financement total du film. Rappelons également que la plupart des films qui sortent en salles bénéficient de ce soutien des chaînes de télévisions qui sont obligées d’investir dans le cinéma français.
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