Le second volet sur la vie du Che pâtit, comme le premier, d’un manque d’intensité.
Jusqu’ici, le rapport de Steven Soderbergh à l’histoire, aux “grands sujets”, était plutôt joueur. C’est Kafka (dans le film du même nom) plongé dans son propre univers de papier ou le Berlin de 1945 déréalisé en noir et blanc d’antan à la Casablanca dans The Good German.
Avec Ernesto Guevara, le cinéaste prend ses pincettes, et cette scission de Che en deux parties a l’allure d’une dissertation. Thèse/antithèse. Che : L’Argentin était solaire, gorgé d’idéaux chaleureux. La suite, centrée sur la révolution que le Che veut fomenter en Bolivie puis exporter ailleurs, fait pisse-froid : couleurs plus ternes, facture plus sale – comme sa barbe –, rétrécissement du Cinémascope utilisé dans L’Argentin.
Le Che y est un mort en sursis, reçu en faux prophète ou camelot par les paysans locaux. Soderbergh évoque la longue marche vers le peloton comme il faut a priori : la présence oppressante, moite mais froide, de la jungle où lui et ses partisans se cachent, et ce regard naturaliste qui veut fuir comme la peste les trémolos et ralentis du biopic classique. Jusqu’à cette étrange fin anticlimatique, logique dans ce programme consciencieux, où il nous assène soudainement que le Che, c’est un peu vous, nous, moi.
Certes meilleur, plus cohérent que son prédécesseur, Che : Guérilla ne relève pas l’entreprise générale : la neutralité (journalistique, ou voulue comme telle) de Soderbergh dépassionne le mythe mais chute dans l’effacement. Oui, le Che n’est pas qu’une image bonne à imprimer des T-shirts comme le saint suaire. Voici l’homme, ses actions, ses crapahutages de maquisard.
Mais Soderbergh échoue à tirer l’ensemble hors de la chronique fragmentaire (le cinéaste avoue à présent qu’il aurait voulu traiter le Che en dix heures sur la chaîne télévisée HBO). Au détour d’un arbre, on se rappelle que le projet devait échoir un temps à Terrence Malick, et on attend en vain. Non pas du panthéisme ou le Che rêvassant chez une Pocahontas du cru, mais un peu plus d’incongru, un peu moins de solennité.