Si l’on en juge par le nombre de scènes qui sont consacrées à la boisson, James Bond préfère siroter plutôt que manger. A l’occasion de “50 ans de style Bond”, exposition consacrée à James Bond à La Villette, petite dégustation en sa compagnie.
James Bond est-il réellement un homme de goût ? C’est la question qu’on peut légitimement se poser lorsqu’on se penche sur la liste de ses boissons (alcoolisées) préférées. Quelques petits malins se sont amusés à calculer la quantité d’alcool qu’il ingérait par roman et ont mis au jour la vérité : 007 est alcoolique. Mais ce n’est pas notre sujet.
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Un grand cru sinon rien
Quels sont ses goûts ? Question champagne, la réponse n’a pas changé depuis Les diamants sont éternels, le roman (1956) : du Bollinger. Les films lui restent fidèles jusqu’à aujourd’hui – malgré une courte incartade au Taittinger que nous préférerons oublier. La maison est par la suite plusieurs fois citée, dans Vivre et laisser mourir (1973), Moonraker (1979), etc. Le petit jeu consistant pour Bond à exiger un prétendu grand cru. Dans Moonraker, Roger Moore déclare à Michael Lonsdale (le méchant du film) en dégustant sa coupe : “Du Bollinger ? Si c’est du 1969, c’est que vous m’attendiez.”
Question vin, le château-angélus, premier grand cru classé saint-émilion (cité dans Casino Royale, 2006), remporte la palme haut la main. Il est connu dans le monde entier comme “le vin de James Bond”. Ensuite, petit accroc à sa classe internationale, Bond, dans Rien que pour vos yeux, le film (1981), accepte de boire un vulgaire vin chaud avec le méchant au bord d’une patinoire. La honte totale… Pire, dans Skyfall, on voit Bond boire une Heineken, partenaire du film… Scandale.
Grandeur du dry martini
Vient le chapitre le plus complexe : celui des cocktails. S’il lui est arrivé de boire des mojitos ou autres mint juleps, il est de notoriété publique que James Bond est un adepte de la vodka martini, ou kangourou, ou vodkatini depuis quelques années. Soit un dry martini où la vodka prend la place du plus classique gin. Comme chacun sait également, Bond l’exige “secoué et non remué” – “shaken, not stirred” –, ce qui est contraire à toutes les bonnes manières et toutes les lois mixologiques. Quasiment un crime de lèse-majesté !
Cependant, les choses sont un peu plus compliquées…
Petit retour en arrière : le dry martini (dont le nom n’a aucun rapport avec la marque d’apéritif italienne), invention américaine, est un mélange de gin et de vermouth sec (le français Noilly Prat est le plus approprié) rafraîchis à l’aide de glaçons. On ajoute ensuite une olive et éventuellement un zeste de citron. Le dosage de gin et de vermouth est variable et dépend du goût de chaque buveur. Le vermouth servait au départ à dissimuler l’amertume du gin, qui n’était pas toujours de bonne qualité. Au fil de la première moitié du XXe siècle, le dry martini s’est de plus en plus “asséché”, le gin prenant peu à peu le pas sur le vermouth.
Luis Buñuel, grand buveur de dry martini devant l’Eternel, mouillait les glaçons avec du Noilly Prat, jetait celui-ci et versait sur les glaçons du gin Gordon froid. Le général Montgomery a donné son nom à un dry martini très chargé en gin, puisqu’il oppose une dose de vermouth à quinze doses de gin (les proportions de divisions nécessaires pour être sûr de battre l’ennemi, selon Montgomery). On raconte que Winston Churchill buvait du gin frappé en regardant une bouteille de vermouth. Bref, sans entrer dans les détails (des livres entiers sont publiés chaque année dans le monde anglo-saxon sur le dry martini), il y a autant de versions du dry martini que d’amateurs de ce cocktail, le roi des bars.
La révolution du vodkatini
Le remplacement du gin par la vodka est en soi une révolution, un acte rebelle, surtout pour un Britannique comme Bond, et même si l’un des plus grands spécialistes du dry martini explique très bien que la vodka fut substituée au gin par les Américains eux-mêmes en pleine guerre froide, pour se mithridatiser contre une éventuelle invasion soviétique…
Secouer un dry martini est en théorie une hérésie totale. Cependant, selon les spécialistes les plus récents, tout dépend du dosage. Plus la dose de vodka est forte, plus le simple remuage semble insuffisant pour bien refroidir le mélange. Plus la dose de vermouth est importante, plus le remuer s’impose. James Bond n’a donc pas forcément tort sur ce coup-là non plus.
A la recherche du vesper
Venons-en au top du top de la boisson bondienne, le cocktail inventé, à la demande de Ian Fleming, par le barman Gilberto Preti qui officiait au Duke’s Hotel de Londres au moment où l’auteur écrivait Casino Royale, le premier roman de James Bond, en 1952. Sa recette est communiquée dans le septième chapitre du roman. Bond demande à un barman de lui confectionner un cocktail de son invention qui ne porte pas de nom : trois mesures de vodka, une de gin et une demie de Lillet (appelé Kina Lillet à l’époque de Fleming), servi dans un verre à champagne (et non le traditionnel verre à martini), avec un zeste très fin de citron.
Il faut attendre le huitième chapitre du roman pour que Bond baptise son invention. Il rencontre l’agent britannique Vesper Lynd (interprétée par Eva Green dans le Casino Royale de 2006) et est troublé par son charme. Il propose de donner son prénom à ce cocktail et elle lui demande si c’est à cause de l’amertume du breuvage. Bond répond : “Une fois qu’on y a goûté, on n’a envie de rien d’autre”…
On prétend que la réapparition de ce cocktail dans le film de 2006 fit remonter la vente de gin. Signalons pourtant un petit détail très important, sans doute volontairement dissimulé par les producteurs des James Bond : il est aujourd’hui impossible de réaliser un vesper. Pourquoi ? Parce que le Lillet blanc actuel n’a rien à voir avec le Lillet des années 1950. Il est beaucoup trop sucré. Selon les spécialistes, il suffirait de rajouter un peu d’Angostura bitters au mélange pour retrouver l’esprit et l’amertume du vesper d’origine. Mais quand même… C’est à toutes ces conditions et nuances indispensables que James Bond peut être considéré comme un buveur de goût.
50 ans de style Bond, à la Grande Halle de La Villette, jusqu’au 4 septembre
Cet article est extrait de notre hors-série James Bond – Sur les traces de 0007, en vente dans notre boutique
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