En goguette à Paris pour défendre la comédie d’action “Bullet Train ”, en salle ce mercredi, Brad Pitt semble ne jamais avoir été aussi aimé. Comment s’est construite cette forme très particulière de coolitude que l’acteur irradie aujourd’hui plus que jamais ?
Depuis son retour sur le devant de la scène avec Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino (qui lui a valu un Oscar du meilleur second rôle), toutes les apparitions publiques de Brad Pitt déclenchent la même réaction : un torrent unanime d’amour, que ce soit lorsqu’il se montre décoiffé dans un table read confiné avec son ex Jennifer Aniston ou tout récemment lors de sa participation au vidéoclub de Konbini, qu’il a d’ailleurs tenté de prolonger au-delà du délai imparti comme un cinéphile passionné oubliant quelques secondes sa position de star chronométrée. Élégant, touchant, finalement assez accessible malgré sa splendeur, l’homme de 58 ans dégage une espèce de perfection amène. Le fruit de la longue construction d’un mythe du cool dont on a vous retrace les grandes étapes.
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1991 – La pub Levi’s®
C’est une pub qui révèle Brad Pitt. Le pitch : les matons d’un centre pénitencier ont voulu humilier un détenu à la beauté insolente en le privant de pantalon le jour de la sortie. Une créature de rêve l’attend dehors avec un 501 impeccable. Efficace : Pitt devient instantanément un canon de beauté. Néanmoins, sa première forme apollonienne est celle d’un vagabond. Une facette de saleté et de sauvagerie qui reviendra de temps à autre (True Romance, Snatch). La même année, son premier rôle de cinéma sera celui de l’auto-stoppeur de Thelma & Louise, et Geena Davis congédiera sa doublure afin de jouer elle-même la scène de sexe. Brad Pitt est cool pour la raison la plus simple du monde : parce qu’il est extrêmement beau.
1999 – Fight Club
Le rôle le plus célèbre du Brad Pitt, dans les années 1990, représente très bien le phénomène paradoxal qui frappe l’acteur dans la première décennie de sa carrière : après avoir été intronisé en sex-symbol, il se retrouve finalement dans la peau de personnages à la sexualité compliquée, voire inexistante, qu’ils soient chastes (Entretien avec un vampire), veufs (Se7en) ou, comme ici, purement imaginaires. Pitt devient un masculin idéal, mais virtuel, littéralement fantasmé, un homme parfait sans matière, débarrassé des poids et des tourments de l’existence physique et vécue. Sa mythologie n’en est que plus forte : il est cool parce qu’il n’existe pas.
2000 – Son mariage avec Jennifer Aniston
Couple le plus célèbre du monde au tournant du XXIe siècle, Brad Pitt et Jennifer Aniston mènent leur amour comme d’authentiques stars : rapidement, publiquement, dispendieusement. Les fiançailles sont annoncées sur la scène d’un concert de Sting, la bague de fiançailles coûte à Brad 500 000 dollars et le “mariage de l’année”, célébré sur une plage de Malibu et conclu par un feu d’artifice de 13 minutes, est facturé à un million. Brad Pitt est cool parce qu’il est outrageusement romantique.
2001 – Ocean’s Eleven
La trilogie de films de casse de Steven Soderbergh offre à Brad Pitt son oasis, sa suspension, moment de sérénité absolue. Alors que la plupart de ses grands rôles ont tendance à engager des dynamiques de domination douloureuses et sacrificielles, le duo d’Ocean’s fait office de couple rêvé (aujourd’hui on dirait “relationship goals”) : deux hommes à qui tout réussit de façon presque magique et sans que cela ne crée d’envie ou de déséquilibre, puisqu’ils sont aussi beaux l’un que l’autre. C’est sans doute là que se fixe la légende du détachement et de l’inconvenance pittienne, cette manière presque ironique d’habiter sa perfection, à travers notamment ce tropisme de la bouffe qui commence à se voir – il mange constamment dans ses rôles, inexplicablement. Brad Pitt est cool parce qu’il est suprêmement désinvolte.
2008 – Burn After Reading
Alors qu’il commence à crouler sous les chefs-d’œuvre, mais aussi sous sa propre image d’ultravirilité (le passage de la quarantaine lui a donné de la masse), Brad Pitt dégaine chez les frères Coen le plus invraisemblable contre-emploi qu’on puisse imaginer pour lui : un type normal, idiot, médiocre – bref, son exact contraire. Mais sa performance comique est exceptionnelle et sa faculté à casser son image font de lui l’élément le plus inoubliable et le plus saillant d’un film dont il n’est pourtant que le second rôle. Brad Pitt n’est plus du tout cool et, par conséquent, ne l’a jamais autant été.
2019 – Once Upon a Time… in Hollywood
L’acteur s’est tellement éloigné des grands rôles dans les années 2010 (en marge d’une impressionnante carrière de producteur, il a joué tous les ans mais dans des films légèrement subalternes) que celui de Cliff Booth fait office de retrouvailles inespérées – “oh, Brad Pitt”, s’exclame-t-on intérieurement en réalisant qu’on l’avait presque oublié, cet homme qui ressuscite d’autant plus magnifiquement que lesdites années semblent ne pas avoir eu de prise sur lui, éternel playboy se pavanant torse nu sur les toits angelenos. Pitt s’installe aux côtés de Tom Cruise dans le club des acteurs immortels. Il est cool parce que la vie sur lui n’a pas de prise, et que c’est (contrairement à Cruise) non pas à sa discipline mais à quelque chose de l’ordre de sa nature, de son être profond, que semble être due cette éternelle jeunesse.
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