Le pape du Nouveau Roman revient au cinéma. Avec un malin plaisir.
La meilleure manière de considérer le dernier film d’Alain Robbe-Grillet, c’est d’y voir une entreprise de contestation de sa propre littérature – et nul doute qu’il y met quelque malin plaisir, n’ayant jamais cessé de rappeler l’antinomie profonde du film et du roman. C’est Gradiva qui vous appelle prend en effet à revers tout ce qu’on croit savoir du pape du Nouveau Roman : sa froideur “objectale” (Barthes), son antiromantisme déclaré, son antiexpressionnisme, son abstraction réflexive, son avant-gardisme radical sont littéralement contredits par ce film kitsch à souhait, au romantisme échevelé, à la théâtralité outrancière, à l’érotomanie démodée et (david) hamiltonienne, et puis comique à coup sûr, burlesque quand Arielle Dombasle sautille en robe blanche dans la médina. La muse de BHL n’en est d’ailleurs pas seulement la créature fantomatique, elle y apparaît aussi en écrivaine (!), divaguant la plume à la main, et bientôt “le sujet du film est moins l’aventure elle-même que l’imagination créatrice en train d’inventer cette aventure”, disait déjà Robbe-Grillet en 1966 à propos de son film Trans-Europ-Express. Ni continuation, encore moins illustration de ses “nouveaux romans”, son cinéma met à l’avant-plan la matière sensorielle, audio et visuelle, du fantasme érotique, ordinairement enfoui sous la part d’abstraction propre au texte littéraire – et Gradiva se regarde alors non seulement comme la partie cachée, mais surtout paradoxalement chaude de l’iceberg Robbe-Grillet.
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