H-quelques heures avant l’ouverture de la 44e cérémonie des César. Juste le temps de se lancer dans le grand bain des pronostics, de soutenir nos favoris, et d’envisager aussi le pire.
Meilleur film
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Notre pronostic : Le Grand Bain de Gilles Lellouche
Avec sa bande de quinquas en crise galvanisés par une compète de natation synchronisée, son immense succès en salle (plus de quatre millions d’entrées) et ses dix nominations, Le Grand Bain est assurément l’un des grands favoris de la soirée. Si les Césars ont souvent plébiscité des films à l’actualité brûlante (Fatima, Timbuktu, 120 bpm), on sait combien l’Académie aime jouer la carte grand public (clairement assumée avec la création d’un prix dédié) en récompensant les comédies qui ont affolé le box office français de l’année. Cinq ans après le triomphe Guillaume et les garçons à table, autre film d’un comédien (Guillaume Galienne), Le Grand Bain pourrait lui aussi rafler la mise.
Notre choix : En Liberté! de Pierre Salvadori
Fort de son succès, Le Grand Bain a parfois été présenté comme LA comédie française de l’année. Pour nous, elle est évidemment ailleurs, précisément du côté de Marseille, chez Yvonne (Adèle Haenel) jeune femme et mère endeuillée depuis la mort de son mari de flic. Comédie policière et sentimentale, réflexion poétique sur la force de l’imaginaire, En Liberté! sidère par son savoir faire comique et sa profonde mélancolie. Si ses neuf nominations le placent comme l’une des coqueluches de la soirée, on peine à croire que le neuvième long métrage de Pierre Salvadori, nommé seulement pour la deuxième fois depuis 1994 et son premier film Cible émouvante, puisse s’attirer les faveurs de l’assemblée. D’abord parce que Salvadori, malgré de beaux succès, occupe une place assez à part dans le cinéma français – mélange d’indé et de commercial – ensuite parce que la machine à succès du Grand Bain semble tout simplement inarrêtable.
Pire choix : Les frères Sisters de Jacques Audiard
Récompenser Les Frères Sisters serait d’un automatisme confondant et confirmerait bien le symptôme Audiard, selon lequel seul le nom du cinéaste suffirait à engendrer les honneurs – remember la palme d’Or de mai 2015 attribuée à Dheepan.
Meilleur réalisateur
Notre pronostic : Jacques Audiard pour Les Frères Sisters ou Emmanuel Finkiel pour La Douleur
Petit rappel : depuis 2016, l’Académie, suivant une bien drôle de logique, a décidé qu’un cinéaste nommé dans la catégorie meilleur film et meilleur réalisateur ne pouvait recevoir les deux récompenses. Si le Grand Bain obtient le meilleur film, il paraît assez probable que Jacques Audiard, bénéficiant d’une aura de grand cinéaste multi-récompensé et loué par une certaine critique, ne l’emporte et ne boucle ainsi son trio gagnant initié avec De battre mon coeur s’est arrêté en 2006 et Un prophète en 2010.
Cependant, n’excluons pas Emmanuel Finkiel de la course. Avec sa fine adaptation de La Douleur de Marguerite Duras, son audacieuse mise en scène (quoi qu’un peu théorique) s’attachant uniquement au point de vue de son personnage meurtri par l’attente (Mélanie Thierry), le réalisateur de Je ne suis pas un salaud a également ses chances. Le distinguer serait un choix nettement plus audacieux.
Notre choix (hors-nominations!): Christophe Honoré pour Plaire, aimer et courir vite et Abdellatif Kechiche pour Mektoub My love ex-aequo
L’annonce, fin janvier, des nominations des César 2019 nous a abasourdi puisque deux des plus grands cinéastes français actuels, ayant réalisé les deux plus beaux films de l’année dernière manquaient tristement à l’appel. Difficile en effet de comprendre l’absence d’Abdelatif Kechiche (nommé trois fois dans sa carrière) et de Christophe Honoré (jamais nommé en tant que meilleur réalisateur), dont les films Mektoub my Love et Plaire, aimer et courir vite offraient les plus beaux portraits d’une jeunesse passée (celle des années 90) et pourtant immanquablement contemporaine. Réparons cette injustice et consolons notre peine en leur attribuant nous-mêmes les César symboliques des meilleurs réalisateurs.
Pire choix : Jacques Audiard, toujours pour les mêmes raisons (redondance, automatisme…).
Meilleur acteur
Notre pronostic : Alex Lutz pour Guy
En se glissant littéralement dans la peau de Guy Jamet, star déchue de la chanson française, Alex Lutz apparaît comme le candidat idéal. Son numéro déguisé est le genre de performance dont les cérémonies raffolent. En février dernier, les Lumières, qui constituent un bon indicateur des César à venir, lui ont remis le prix du meilleur acteur. Possible concurrent : Denis Ménochet, terrifiant dans la peau d’un père de famille et bourreau psychotique pour Jusqu’à la garde, autre insider de la soirée avec dix nominations. Le père courage qu’interprète Romain Duris a, quant à lui, et malheureusement, peu de chances de l’emporter face aux deux mastodontes. Pourtant, lui remettre ce prix, après cinq nominations, serait une belle manière de récompenser sa belle carrière.
Notre choix : Vincent Lacoste pour Amanda
Cette année était la sienne. Avec Plaire aimer et courir vite et Amanda, Vincent Lacoste s’aventurait vers des registres jusque-là inexplorés dans sa filmographie. Etudiant amoureux dans l’un, frère et oncle dévoué dans l’autre, l’acteur laissait entrevoir l’infinie étendue de son talent, avec une aisance toute tranquille qui lui correspond si bien. Lui donner le César du meilleur acteur serait un beau geste et permettrait de récompenser le très beau film de Mikhäel Hers, injustement zappé de la case meilleur film et meilleur réalisateur.
Pire choix : aucun
Meilleur actrice
Notre pronostic : Mélanie Thierry pour La Douleur ou Elodie Bouchez pour Pupille
L’argument de la performance vaut bien évidemment pour les actrices. Dans ce cas, Mélanie Thierry semble bien partie pour grimper sur la plus haute marche du podium. En adoptant finement le phrasé si singulier de Marguerite Duras, la comédienne, dont c’est la première fois dans la catégorie meilleure actrice, dépasse le simple jeu de l’imitation et incarne avec pudeur l’écrivain. Son interprétation est indissociable du succès du film. Cependant, son sacre pourrait bien être menacé par la présence d’Elodie Bouchez incarnant une mère impatiente d’accueillir un enfant né sous X dans Pupille. Le grand retour d’une actrice pourrait bien émouvoir l’assemblée, d’autant plus, qu’heureux hasard, cette présumée récompense interviendrait tout juste vingt ans après son éclatante révélation dans La Vie rêvée des Anges d’Eric Zonca, qui lui avait valu un prix d’interprétation à Cannes et un César.
Notre choix : Adèle Haenel pour En Liberté!
Elle est tout simplement éblouissante dans le film Pierre Salvadori, où elle déploie avec virtuosité son ingéniosité burlesque, déjà entrevue dans Les Combattants de Thomas Cailley, pour lequel elle avait reçu la suprême récompense. Avec ses deux César (le deuxième étant celui de la meilleur actrice dans un second pour Suzanne) en poche et ses quatre nominations, Adèle Haenel, à seulement trente ans, est déjà bien engagée dans la course des record women.
Pire choix : aucun
Meilleur premier film
Notre pronostic : Jusqu’à la garde de Xavier Legrand
A moins que, surprise, il ne rafle la mise dans la catégorie meilleur film, Jusqu’à la garde a tous les atouts pour gagner. Le film a provoqué un important engouement critique et public (il a récemment reçu le prix des auditeurs du Masque et la plume). Ses nombreuses nominations en attestent. On imagine mal le premier film de Xavier Legrand manquer cette victoire.
Notre choix : Sauvage de Camille Vidal-Naquet
Léo est un jeune prostitué. Pourtant, son existence incertaine n’a rien de misérable pour lui, elle est même synonyme d’une certaine liberté. C’est avec tendresse et bienveillance que le jeune garçon des rues se jette dans les bras de ses clients. Electrochoc du dernier festival de Cannes, Sauvage ne l’est pourtant pas autant que son titre l’annonçait. C’est un bouleversant portrait d’un jeune homme en construction, à qui Félix Maritaud (dont on ne comprend toujours pas l’éviction du côté des espoirs) donne toute sa bouleversante intensité.
Pire choix : Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Métayer
Meilleur film étranger
Notre pronostic et notre choix : Une affaire de famille d’Hirokazu Kore-eda
La dernière fois qu’une Palme d’Or a reçu le César du meilleur film étranger c’était en 2017 pour Moi, Daniel Blake de Ken Loach. L’expérience pourrait se réitérer cette année. Une affaire de famille semble bien engagé pour gagner , d’autant que son sacre à Cannes n’a provoqué – chose assez rare – que de l’enthousiasme. Avant même que son film français La Vérité avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche ne sorte sur nos écrans, le cinéaste coréen pourrait bien être distingué par la grande famille du cinéma français. Une récompense amplement due qui viendrait couronner une carrière passionnante dont cette chronique familiale constitue le point d’acmé.
Notre deuxième choix : Girl de Lukas Dhont
Auréolé de la Caméra d’Or au dernier festival de Cannes et encensé par la critique, Girl, beau et déchirant portrait d’une jeune fille en transition, de Lukas Dhont a également ses chances.
Pire choix : Capharnaüm de Nadine Labaki
Meilleur espoir masculin et meilleur espoir féminin
Nos pronostics : Dylan Robert et Kenza Fortas dans Shéhérazade
Malgré ses trois nominations, la présence de ses deux comédiens dans les catégories « Espoir » est assez révélatrice de l’intérêt porté au premier long métrage de Jean-Bernard Marlin, autre grande découverte du dernier festival de Cannes, auréolé du Prix Jean Vigo. Leur fougue, leur nervosité, leur naturel sont l’une des grandes réussites de Shéhérazade, histoire de gang et d’amour immergée en plein quartier nord de Marseille. Ne pas récompenser les jeunes et novices Dylan Robert et Kenza Fortas, serait manquer l’occasion d’insuffler un vent d’actualité dans cette 44e cérémonie.
Notre choix : (hors compétition) Félix Maritaud dans Sauvage
En éjectant Félix Maritaud de la compét’, les César ont non seulement boudé l’une des plus éclatantes révélations de l’année dernière mais aussi l’une des plus sidérantes interprétations que le cinéma français nous a récemment donnée à voir. On avait rarement vu un comédien se fondre avec autant d’intensité dans la peau d’un personnage, que l’on avait l’impression, une fois le film fini, de connaître comme un ami, un proche. Pour cela il aurait allègrement pu sauter la case « Espoir » et concourir directement auprès de Alex Lutz, Romain Duris et les autres.
Notre choix : Ophélie Bau dans Mektoub my love
Seule la rayonnante Ophélie Bau aura survécu au bashing Kechiche. Lumineuse, bouleversante, l’apprentie comédienne donne tout d’elle dans Mektoub et l’on est, comme la caméra de Kechiche, hypnotisé par la cinégénie de son visage, de son corps. Elle est incontestablement notre chouchou.
Meilleur second rôle masculin
Notre pronostic : Philippe Katerine pour Le Grand Bain
On connaissait Philippe Katerine comédien. On l’a vu chez Benoit Forgeard, Thierry Jousse et ailleurs… Son compagnonnage avec Gilles Lellouche avait de quoi surprendre, tant les deux hommes occupent, artistiquement, des places strictement opposées. Pourtant, de cet étrange mélange est née une réjouissante collaboration. Drôle, émouvant, irrésistiblement burlesque, Katerine est génial dans Le Grand Bain.
Notre choix : Denis Podalydès pour Plaire aimer et courir vite
Cependant notre coeur penche du côté de Denis Podalydès et de son interprétation délicate de Mathieu, fidèle ami de Jacques (Pierre Deladonchamps, injustement oublié des Césars) dans le sublime Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré.
Meilleur second rôle féminin
Notre pronostic : Isabelle Adjani pour Le Monde est à toi ouVirginie Efira et Leïla Bekhti pour Le Grand Bain
Elle a déjà eu cinq fois le César de la meilleure actrice (record absolu). Isabelle Adjani semble toujours programmée pour gagner aux César, d’autant que son rôle de mère clepto dans Le monde est à toi de Romain Gavras lui a valu un florilège d’éloges. Cependant, la présence des deux comédiennes du Grand Bain pourrait changer la donne. Remettre le prix à Virginie Efira pourrait être un moyen pour l’Académie de la récompenser, même si elle n’empoche pas la statuette de la meilleure actrice pour son rôle dans Un amour impossible de Catherine Corsini.
Notre choix : Audrey Tautou pour En Liberté!
Actrice fétiche de Pierre Salvadori, Audrey Tautou est bouleversante de douceur dans En Liberté!. Sa partition donne lieu à deux des plus belles scènes du film, l’une sur le perron d’une maison, l’autre derrière la porte d’une salle de bain. La comédienne n’avait pas été nommée aux César depuis neuf ans et son rôle de Coco Chanel.
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