Notre bilan de la 44e cérémonie des César, une des plus mornes de toute l’histoire du point de vue du show télévisuel, et qui a oublié les films les plus forts à notre sens parmi les nommés.
Particulièrement poussive et ennuyeuse, la cérémonie des César 2019 ménageait pourtant quelques surprises majeures. Là où le consensuel Grand bain paraissait imbattable dans la catégorie du Meilleur Film (triomphe public et bienveillance critique), c’est finalement le premier long-métrage de Xavier Legrand, Jusqu’à la garde, qui a emporté le trophée. Après les victoires dans la même catégorie de La vie rêvée des anges, Guillaume et les garçons à table!, Les nuits fauves, Camille Claudel, Les goût des autres, c’est donc la sixième fois qu’un premier film remporte la statuette du Meilleur film, confirmant l’inclination des César à porter aux nues les débutants.
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L’outsider parfait d’un palmarès sans véritable sommet
Fort d’un succès public notable (pour un premier film) mais modeste (comparé au mastodonte Le grand bain), Jusqu’à la garde, thriller psychologique à la fois efficace et très calibré, était l’outsider parfait d’un palmarès sans véritable sommet (aucun concurrent n’a opéré de razzia) et comportant une base très large. Dans cette distribution très équilibrée, très diplomatique, plus d’une demi-douzaine de titres s’est retrouvée primée et le film de Xavier Legrand en a remporté quatre (un triomphe modéré donc : à titre de comparaison, 120 battements par minute en avait obtenu six l’an dernier). En plus du César du meilleur film, Jusqu’à la garde a aussi gagné le César de la meilleur actrice pour Léa Drucker, celui du meilleur scénario original et celui du meilleur montage.
L’autre outsider triomphant de la soirée est Shéhérazade. La fougue naturaliste du film de Jean-Bernard Marlin lui a valu trois César, très logiquement celui du meilleur Premier film, mais aussi ceux du meilleur espoir masculin et féminin pour les jeunes Dylan Robert et Kanza Fortas, acteurs débutants issus d’un casting sauvage battant les plus expérimentés Karim Leklou, William Lebghil ou Lily Rose-Depp.
>> A lire aussi : “Shéhérazade” : rencontre avec Jean-Bernard Marlin et ses acteurs
Dans cette soirée tournée vers la jeunesse et le renouvellement, Jacques Audiard faisait figure de vétéran. Si ce western tourné vers le marché américain n’a pas vraiment réussi sa percée programmée sur le territoire des oscars, Les frères Sisters a néanmoins trusté quatre César, faisant donc jeu égal avec Jusqu’à la garde. Meilleure photographie, meilleur son, meilleurs décors (catégorie dont le discours très politisé du lauréat, Michel Barthélémy, a été goujatement recouvert durant son dernier tiers par une musique l’incitant à regagner les coulisses), trois trophées donc, auquel s’est ajouté le César du meilleur réalisateur remporté pour la troisième fois par Jacques Audiard (après De battre mon coeur s’est arrêté et Un Prophète). La victoire automatique dans cette catégorie semblait le lasser lui-même.
Michel Barthélémy reçoit le César des Meilleurs décors pour Les Frères Sisters
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— CANAL+ Cinéma (@CanalplusCinema) February 22, 2019
Parmi les films multi-césarisés, on signalera aussi Les chatouilles, encore un premier film, remportant le César de la meilleure adaptation et celui du meilleur second rôle féminin pour Karin Viard. Et aussi Guy, gagnant le prix de la meilleure musique (pour des pastiches habiles de tubes des années 70 et 80) et celui du meilleur acteur pour la performance à postiches d’Alex Lutz.
Les films les plus forts carrément oubliés
Parmi les perdants figure donc Le grand bain, donné favori et ne repartant qu’avec un césar du meilleur second rôle pour le délicieux Philippe Katerine (remerciant en fredonnant du Johnny son personnage, Thierry, dont on aurait tous quelque chose). Une déconvenue qui n’a pas entamé le large sourire fair-play de Gilles Lelouche, qui voyait pourtant aussi le césar du meilleur acteur pour Pupille lui échapper. En liberté de Pierre Salvadori, La douleur d’Emmanuel Finkiel, Sauvage de Camille Vidal-Naquet (soit à notre sens les films les plus forts parmi les nommés) ont eux été carrément oubliés. Et puis bien sûr, il y avait ceux que les César ont même oublié d’oublier : Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré, Mektoub my love d’Abdellatif Kechiche, Mes provinciales de Jean-Paul Civeyrac, Les garçons sauvages de Bertrand Mandico, tous absents ou presque des nominations et dont la mise à l’écart rendait de toute façon la soirée assez vide d’enjeux esthétiques forts.
Reste le show télévisuel. De ce point de vue, la 44eme cérémonie restera une des plus mornes de toute l’histoire. Kad Merad ne retrouvait l’allant d’aucun de ses prédécesseurs (Gad Elmaleh, Florence Foresti, Jerome Commandeur, Edouard Baer, sans même parler de la plus virtuose de tous.tes en la matière, Valérie Lemercier). Et de cette enfilade de sketchs anémiés, on ne retiendra que la prestation à la fois troublante et drôle de Laurent Lafitte en acteur middle age au visage martyrisé par la chirurgie esthétique. Une incarnation mi-cruelle mi-tendre, qui permettait de rêver à un film de fiction entier enroulé tout autour de cette drôle de créature, façon Guy d’Alex Lutz.
Avez-vous reconnu Laurent Lafitte qui remet le César du Meilleur premier film ?
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