À la périphérie des Palmes d’or et des montées des marches événementielles, une petite histoire alternative du Festival de Cannes. Faite de découvertes d’artistes (dont certain·es deviendront immenses), de propositions radicales et de films de contrebande.
Le Dieu noir et le Diable blond de Glauber Rocha (1964)
À l’époque où Glauber Rocha débarque à Cannes avec Le Dieu noir et le Diable blond, il est presque inconnu des cinéphiles. Mais nous sommes en 1964, au moment de l’explosion des Nouvelles Vagues un peu partout sur la planète, et Rocha, chef de file naturel du Cinema Novo brésilien, s’intègre naturellement dans une compétition où il a pour voisins Marco Ferreri, François Truffaut, Hiroshi Teshigahara ou Bo Widerberg… Le hiératisme chorégraphique et musical du film de Glauber Rocha impressionne, mais c’est sans doute trop tôt pour que Le Dieu noir et le Diable blond figure dans un palmarès qui couronne, cette année-là, Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Dans les années qui suivront, Rocha reviendra régulièrement à Cannes et finira par obtenir le prix de la mise en scène, bien mérité, pour Antonio das Mortes, en 1969. ♦ T. J.
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Quatre Nuits d’un rêveur de Robert Bresson (1971)
“Les Nuits blanches”, la nouvelle de Dostoïevski, a inspiré au moins trois grands cinéastes : Visconti, Bresson et Vecchiali. Elle raconte l’histoire d’un jeune homme qui empêche une jeune fille de se jeter d’un pont. Il et elle se revoient plusieurs nuits de suite. C’est l’un des plus beaux films de Bresson des années 1970, présenté à la Quinzaine en 1971. Ajoutons que les rapports entre Bresson – l’un des plus grands inventeurs de formes cinématographiques du XXe siècle – et Cannes ont été complexes. En 1957, il remporte le prix de la mise en scène pour Un condamné à mort s’est échappé. Puis celui du jury, en 1962, pour Procès de Jeanne d’Arc. En 1974, il refuse le prix de la critique internationale pour Lancelot du Lac. Et en 1983, le grand prix du cinéma de création est décerné à son dernier film, L’Argent, chef-d’œuvre hué en projection officielle par une moitié de la salle… ♦ J.-B. M.
Wanda de Barbara Loden (1971)
La même année que THX 1138 est présenté à la Quinzaine des réalisateurs Wanda, premier et seul film écrit, réalisé et interprété par Barbara Loden. Tout aussi ovniesque que le film de George Lucas mais diamétralement opposé, ce chef-d’œuvre méconnu, qui saisit, comme l’écrivait Emily Barnett dans ces pages, “une figure féminine de la mélancolie”, raconte le parcours cabossé d’une femme dans l’Amérique des laissé·es-pour-compte du rêve capitaliste. Admiré par Marguerite Duras, qui parlera du film comme d’un miracle, Wanda restera incompris du temps de son autrice, qui mourra neuf ans plus tard des suites d’un cancer. Un magnifique livre de Nathalie Léger lui est consacré : Supplément à la vie de Barbara Loden. ♦ B. D.
THX 1138 de George Lucas (1971)
Qui pourrait penser que le réalisateur de Star Wars a débuté à l’avant-gardiste Quinzaine des réalisateurs ? THX 1138, le premier long de George Lucas, 26 ans, y est pourtant présenté en 1971. Version augmentée de son court métrage d’étudiant Electronic Labyrinth, ce film inspiré de 1984 d’Orwell est produit par Coppola. Il nous plonge dans une dystopie où, au XXVe siècle, l’humanité vit sous terre dans un environnement aseptisé, avec pour obligation de suivre un traitement qui empêche toute émotion. Boudé par la critique US qui juge l’objet trop cérébral, le film reçoit un bon accueil en France et deviendra culte, au point qu’on trouve des références à THX 1138 dans Star Wars, Indiana Jones, Matrix, sur la pochette du Get Lucky des Daft Punk, et même dans le générique du cartoon Minus et Cortex ! ♦ B. D.
Son nom de Venise dans Calcutta désert de Marguerite Duras (1976)
Duras est allée deux fois à Cannes en sélection officielle : en 1975, hors compétition, avec India Song (film si bien reçu que beaucoup d’articles déplorent son absence de la compète) ; puis en compétition en 1977, avec Le Camion, dont la radicalité prolixe divise les festivalier·ères. Entre ces deux highlights de reconnaissance, elle présente plus discrètement en 1976 un film à la Quinzaine des réalisateurs : Son nom de Venise dans Calcutta désert. Marguerite Duras trouvait India Song trop séduisant. Trop commercial presque. Alors elle l’a désossé. Dans Son nom de Venise…, elle réutilise in extenso la bande-son d’India Song qu’elle fait défiler sur des plans du décor du film (le château Rothschild), un an plus tard et laissé à l’abandon. Les voix de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale résonnent dans des couloirs vides et des salles bâchées. Rarement le cinéma sera allé aussi loin dans ce qui au fond est depuis toujours sa vocation : l’art d’invoquer et d’étreindre des fantômes. ♦ J.-M. L.
Ecce bombo de Nanni Moretti (1978)
Avec Ecce bombo, son premier long “professionnel” – le tout premier, Je suis un autarcique, avait été réalisé en Super 8, format amateur –, Nanni Moretti entre à Cannes dans la cour des grand·es, en compétition. Il représente une nouvelle ère de la société et du cinéma italiens, la voix de la génération post-68 désenchantée mais qui s’exprime avec humour. Par la suite, pratiquement tous les films du cinéaste seront en compétition à Cannes ; il obtient, en 2001, la Palme d’or pour La Chambre du fils. ♦ J.-B. M.
Golden Eighties de Chantal Akerman (1986)
Film à part dans la filmographie de Chantal Akerman, Golden Eighties est une comédie musicale qui sera présentée à la Quinzaine des réalisateurs en 1986. Il s’agit de son retour sur la Croisette onze ans après la réception houleuse de Jeanne Dielman… dans la même section. Badinerie amoureuse moins légère qu’il n’y paraît, Golden Eighties se déploie dans une galerie marchande, tout en airs legrandiens, robes acidulées et coiffures laquées. Porté entre autres par Lio et Delphine Seyrig, cet hommage ultra-stylisé au genre de la comédie musicale est un joyau mésestimé dans la filmographie de Chantal Akerman. ♦ B. D.
Nola Darling n’en fait qu’à sa tête de Spike Lee (1986)
En 1986, la Quinzaine des réalisateurs fulgure avec Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, premier long métrage de Spike Lee. Nola, belle New-Yorkaise, organise un dîner de têtes et, ma foi, de queues, puisqu’il convie trois amants qui la désirent. En compagnie de l’invitée surprise, une voisine lesbienne, on partage un festin de blagues outrageantes et de réparties hilarantes. Le tout incarné par le bagout de la féministe Tracy Camilla Johns, Nola plus que Darling. Après les films de la Blaxploitation (années 1970), un nouveau cinéma afro-américain est né. ♦ G. L.
Les Cannibales de Manoel de Oliveira (1988)
Les Cannibales est l’un des films les plus fous de Manoel de Oliveira. Dans cet opéra filmé qui raconte la rivalité amoureuse entre deux nobles (joués par les acteurs masculins fétiches du cinéaste portuan, Luís Miguel Cintra et Diogo Dória) pour la même femme, Marguerite (Leonor Silveira, autre icône oliveirienne), le récit va bientôt nous plonger dans une atmosphère à la fois farcesque et gothique. En compétition à Cannes, le film est boudé par le jury mais, vingt ans plus tard, à 99 ans, le maître portugais recevra une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. ♦ J.-B. M.
Sweetie de Jane Campion (1989)
C’est avec fracas que Jane Campion, habituée de la Croisette (elle est repartie de Cannes trois ans plus tôt avec une première Palme d’or pour son court métrage Peel, et en recevra une seconde en 1993 pour La Leçon de piano), débarque en compétition officielle en 1989 avec un premier long revêche, à l’image d’une héroïne qui ne s’excuse de rien (incarnée par Genevieve Lemon). Porté par un formalisme baroque et haché, Sweetie assassine la famille et ses névroses, mais aussi les préceptes du féminin dans un agencement jouissif du chaos. ♦ M. D.
As Tears Go By de Wong Kar-wai (1989)
Ce n’est qu’avec son sixième long métrage, Happy Together (prix de la mise en scène en 1997) que WKW est devenu l’un des auteurs-phares de Cannes. Pourtant, son premier long, As Tears Go By, est présenté à la Semaine de la critique. Hélas, ce beau film noir, inspiré du Mean Streets de Scorsese, où Andy Lau et Maggie Cheung s’étreignent avec lyrisme sur fond de guerre des gangs, passe un peu inaperçu. Le film suscite néanmoins un beau texte de Frédéric Strauss dans les Cahiers : “À tout moment, les pulsions, les désirs de la jeunesse s’expriment devant et derrière la caméra […] As Tears Go By est un film ressenti.” ♦ J.-M. L.
Le Songe de la lumière de Victor Erice (1992)
Erice, 82 ans aujourd’hui, n’a tourné que trois longs métrages. Mais tous furent montrés à Cannes : le premier, le très culte Esprit de la ruche, à la Semaine de la critique en 1974 ; le deuxième, El Sur, en compétition en 1983. Tout comme le troisième, en 1992, le magnifique Songe de la lumière (prix du jury, sur insistance, dit-on, de Pedro Almodóvar, membre du jury, qui aurait fait plier les réticences de son président Depardieu). Erice y filme un peintre, Antonio López García, représentant un cognassier à différentes heures du jour et sous divers angles. Et réussit en près de deux heures et demie à faire une extase contemplative de la façon dont quelques traits de couleurs fixent pour l’éternité quelques coings qui pendent au bout d’une branche. événement : trente ans après Le Songe de la lumière, Erice s’apprête à montrer son quatrième film. ♦ J.-M. L.
Eureka de Shinji Aoyama (2000)
Véritable ovni d’une durée de 3 h 37, Eureka, septième long métrage de Shinji Aoyama, fait sensation sur la Croisette en 2000. Le jeune cinéaste japonais, encore très peu repéré, emmène ses spectateurs et spectatrices au cœur d’un deuil qui prend la forme d’un inoubliable voyage en noir et blanc. Dans une compétition qui récompensera cette année-là Dancer in the Dark de Lars von Trier et In the Mood for Love de Wong Kar-wai, Eureka fait figure d’outsider. La concurrence est rude et le jury, présidé par Luc Besson, oublie le film d’Aoyama au moment de composer son palmarès. L’année suivante, en 2001, Aoyama fait son retour en compétition avec Desert Moon. En vain car, cette fois, son film passera malheureusement inaperçu. ♦ T. J.
La Chatte à deux têtes de Jacques Nolot (2002)
Un cinéma porno de Pigalle, bien des années après l’âge d’or du genre, lorsque les salles étaient pleines. Sur l’écran, de vieilles bobines usées et des coïts hétéros vintage. Mais dans la salle très obscure, une ébullition particulière, des corps qui se cherchent, s’attrapent, des hommes mariés, des femmes trans, des clandestins, tous et toutes réfugié·es dans ce havre de nyctalopes en rut. Nolot filme cet étrange ballet comme un monde sous‑marin, sublimé par de lents travellings liquides. Immergé·e parmi ces méduses phosphorescentes, on rêverait de ne plus jamais revoir le jour. ♦ J.-M. L.
Va et Vient de João César Monteiro (2003)
Présenté hors compétition à Cannes lors d’une projection posthume particulièrement émouvante, c’est le dernier film du critique et cinéaste portugais João César Monteiro. Il y incarne lui-même sa dernière métamorphose, bien dans la lignée de João de Deus, personnage qu’il interprète dans trois de ses films. Ici, il s’appelle João Vuvu : même physique de Nosferatu-Pessoa lisboète, anarchiste et libertin, criminel obsédé par les jeunes filles (et qui collectionne leurs poils pubiens), passionné par les petits plats ascétiques, les voyages en bus et les zarzuelas ibériques, auteur d’aphorismes drolatiques et provocateurs. On a un peu oublié Monteiro aujourd’hui, mais il reviendra. Les vampires excentriques nous attendent toujours de l’autre côté du pont. ♦ J.-B. M.
Tarnation de Jonathan Caouette (2004)
De Cannes 2004, on se souvient surtout que le président Tarantino a remis la palme à Michael Moore pour Fahrenheit 9/11. Mais il s’agissait aussi de la première année du nouveau directeur de la Quinzaine, Olivier Père, qui va lui impulser une extraordinaire dynamique et mener sur la Croisette d’important·es cinéastes : Bong Joon-ho, João Pedro Rodrigues, Albert Serra, Mia Hansen-Løve, Miguel Gomes, Xavier Dolan ou les frères Safdie. Foutraque et psychédélique autoportrait réalisé avec 218,32 dollars, quelques caméras DV et des messages sur répondeur, Tarnation de Jonathan Caouette est à la fois un déchirant portrait de mère toxique et un document féroce sur le conservatisme et l’homophobie du Sud des États-Unis. Ce premier film, héritier contemporain de l’art de Jonas Mekas, sera ensuite célébré comme l’une des révélations de cette édition. ♦ B. D.
Be with Me d’Eric Khoo (2005)
Cannes 2005 : un film singapourien bouleverse les spectateur·rices à la Quinzaine des réalisateurs, Be with Me d’Eric Khoo. Pour son troisième long métrage, le cinéaste construit un brillant puzzle urbain techno-pop où des personnages de plusieurs générations croisent leur solitude saturée d’écrans d’ordinateur et de smartphones naissants. Puis le film élit l’un d’entre eux, une sexagénaire appelée Theresa Chan, sourde, aveugle et muette, écrivaine dans son propre rôle. Le film nous immerge alors pendant vingt minutes dans son monde sensible, en faisant le silence complet et en sous-titrant une voix off mentale qu’on n’entend pas. L’effet est renversant. ♦ J.-M. L.
Honor de cavallería d’Albert Serra (2006)
Mai 2006 : la Quinzaine des réalisateurs présente Honor de cavallería d’Albert Serra, jeune cinéaste (31 ans) catalan alors inconnu. Cet inconnu aurait dû nous intriguer. Fatigue ou paresse ? A priori, il nous rebute. Peu après, il nous foudroie de bonheur. Une adaptation du Don Quichotte de Cervantès ? Non, une imagination de ce qui se passe entre les chapitres du livre. L’hypothèse d’un monde apaisé où Quichotte et Sancho sont deux amis (amants ?) qui se parlent à peine, ne font rien, s’égarent dans les marges. Ils rêvent qu’on pourrait vivre autrement. Eux, c’est nous. ♦ G. L.
Daft Punk’s Electroma de Daft Punk (2006)
Les Daft Punk ont présenté deux films à Cannes. Toujours à la Quinzaine des réalisateurs. En 2003, Interstella 5555… de Kazuhisa Takenouchi, inspiré de leur album Discovery allié au graphisme de Leiji Matsumoto (Albator). Puis leur unique réalisation, Daft Punk’s Electroma, sorte de Gerry de Gus Van Sant avec deux robots en lieu et place de Matt Damon et Casey Affleck. Les Daft y filment avec beaucoup de sensibilité ce qu’ils avaient auparavant magnifiquement cerné par leur musique : l’inaliénable mélancolie des machines. Ici jusqu’à une quête désespérée du suicide. ♦ J.-M. L.
Southland Tales de Richard Kelly (2006)
Peu de présentations cannoises furent aussi catastrophiques que celle de Southland Tales. Signé par un jeune cinéaste américain de 31 ans avec le vent en poupe (Donnie Darko a été acclamé par la critique cinq ans plus tôt), jouissant d’un joli casting (Justin Timberlake, Sarah Michelle Gellar, Dwayne Johnson et Christophe Lambert) et présenté en compétition officielle, Southland Tales est tellement hué que la production impose à Richard Kelly un remontage et une sortie en catimini. Ce film raté avec génie saisit pourtant comme nul autre la faillite de la société américaine. ♦ B. D.
Wendy & Lucy de Kelly Reichardt (2008)
En 2008, Kelly Reichardt fait sa première à Cannes du côté d’Un certain regard – il faudra attendre 2022 pour qu’elle soit honorée d’un Carrosse d’or et d’une nouvelle sélection officielle avec Showing Up (lire notre critique p. 132). Wendy et Lucy, c’est un peu le négatif de tout ce que le cinéma et la littérature américains ont pu engendrer d’images rêvées. Pas de routes ni de folles péripéties, mais un film à l’arrêt, épuré comme son titre – Wendy, c’est Michelle Williams, qui deviendra après cette première collaboration l’actrice fétiche de la cinéaste, et Lucy, c’est la chienne de Reichardt et une autre protagoniste récurrente, récompensée d’une Palm Dog. Avec ce troisième long, la réalisatrice réécrit le mythe de l’Americana à l’heure de la précarité et réalise un miracle de film, parvenant à faire jaillir de cet empêchement les plus vives et déchirantes aventures, beauté sèche du désespoir. ♦ M. D.
The Pleasure of Being Robbed de Josh Safdie avec Benny Safdie (2008)
En 2008, lorsqu’ils débarquent à Cannes pour la première fois, Josh et Benny Safdie, 24 et 22 ans, ont déjà sur leur CV une dizaine de courts métrages réalisés en à peine six ans. C’est que les deux frères filment comme ils respirent depuis leur plus jeune âge, armés de toutes sortes de caméras. The Pleasure of Being Robbed, leur premier long sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, signé par Josh seul à la réalisation mais conçu par les deux, est tourné dans le plus pur style indie new-yorkais, en Super 16 tremblant, et colle aux basques d’une jeune femme kleptomane et insaisissable (Eleonore Hendricks) qui donne, au gré de ses pulsions, son arythmie déconcertante à ce film d’1 h 11. “Sauvage, intime, sans compromis”, dira à leur propos le directeur artistique de la Quinzaine, Olivier Père, en les accueillant sur scène. Neuf ans plus tard, en compétition, ils monteront les marches avec Robert Pattinson pour Good Time. ♦ J. G.
Le Quattro Volte de Michelangelo Frammartino (2010)
Frammartino incarne ce qu’on pourrait appeler une forme d’Arte Povera du cinéma italien. Cinéaste cultivé, qui a vu Tati (Le Quattro Volte est un peu son Jour de fête) et filme peu (il est enseignant), cinéaste local aussi : il capture ici sa Calabre familiale avec tendresse, étonnement, humour, pour en faire ressortir, avec un mélange de prosaïsme et de magie du plan fixe, la singularité, les forces (l’humain, l’animal, le végétal et le minéral) à la fois chrétiennes et archaïques qui irriguent encore les habitant·es du cru. Le Quattro Volte fut l’une des grandes découvertes de la Quinzaine des réalisateurs en 2010. ♦ J.-B. M.
Jauja de Lisandro Alonso (2014)
Découvert à Un certain regard dès son premier film, La Libertad (2001), le cinéaste argentin Lisandro Alonso est devenu un habitué de Cannes, puisque tous ses films y ont été sélectionnés depuis. Son dernier et plus beau long métrage en date, Jauja (2014), dérive hallucinée et mutique dans la pampa portée par Viggo Mortensen, est l’un des meilleurs films vus sur la Croisette cette année-là. Il marque aussi un tournant dans son œuvre, qui se déployait jusque-là sans scénario ni acteur·rices professionnel·les. ♦ B. D.
In My Room d’Ulrich Köhler (2018)
Malgré un excellent accueil critique, le quatrième long métrage du cinéaste allemand passera relativement inaperçu à Un certain regard en 2018, section dominée cette année-là par Girl de Lukas Dhont, Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan ou encore Border d’Ali Abbasi. Et pourtant, le film est l’un des chefs-d’œuvre les mieux gardés de la récente histoire du festival. Dans un style au dépouillement très germanique, la mise en scène nous fait vivre pendant deux heures dans la peau d’une sorte de Vernon Subutex qui se réveille du jour au lendemain seul sur Terre. Film bouleversant sur le sens à donner à la (sur)vie, In My Room est le seul film postapocalyptique dans lequel on a envie de vivre. ♦ B. D.
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