Il aura fallu treize ans pour que Pierre Bergé accepte la sortie de ce docu sur les dernières années d’Yves Saint Laurent. Le voilà enfin, fascinant, beau et magique.
“Célébration » est un film magnifique, indissociable de sa genèse.Entre 1998 et 2001, Olivier Meyrou, avec l’assentiment de Pierre Bergé, tourne un film sur Saint Laurent au quotidien, puis le montre à Bergé, en 2002, l’année où le grand couturier décide de se retirer du monde de la haute couture. Bergé est bouleversé. Sans doute parce que le film montre la déchéance physique de l’homme de sa vie, mais aussi un règne qui s’achève. Il s’oppose à la sortie du film.
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En 1998, Yves Saint Laurent, personnage totalement fascinant, est déjà, à seulement 62 ans, à la fois un vieil homme fatigué aux bras ballants
qui semble porter tout le poids du monde sur ses épaules, et un écolier récalcitrant qui déteste être filmé et parler en public. Comme l’explique Bergé dans le film à une amie journaliste, YSL est un somnambule : il ne faut pas le réveiller. « Mon rôle, c’est de vérifier qu’il ne va pas glisser du toit.” Et effectivement, comme le montre très bien le film, Bergé surveille constamment “Yves” du coin de l’œil, s’inquiète auprès des employés de la maison de son humeur du jour, et met surtout sans cesse la main à la pâte :il choisit les musiques pour les défilés, donne son avis sur les robes, engueule tout le monde, surveille les listes d’invités et de photographes, etc. Il est bien plus qu’un financier, c’est un homme-orchestre (il a d’ailleurs quelque chose de de Funès).
En 2015, quand Bergé revoit le film (YSL est mort en 2008), il finit par l’apprécier et décide même de l’aider à sortir sur grand écran. Le voici donc,
et tout y est étonnant, conforme à l’idée qu’on se fait de l’atelier du dernier maître couturier dont la maison porte le nom, et de sa solitude d’ultra-angoissé, visible à l’œil nu. Au centre, le dieu ; autour, ses demi-dieux (comme Loulou de la Falaise ou Laetitia Casta), puis les chefs d’atelier, et derrière, les petites mains silencieuses qui tentent, du couloir, de voir ce qui
se passe quand la robe sur laquelle elles ont travaillé est jugée avec une extrême concentration par le dieu. Dans un coin de la pièce trône le chien Moujik, qui regarde tout d’un œil blasé sans jamais émettre le moindre son.
On voit aussi YSL dessiner en gros plan, et c’est magique. La cendre de sa cigarette tombe sur les dessins. Filmé parfois en couleurs, d’autres fois en noir et blanc, le docu est principalement composé de plans fixes extrêmement cadrés, qui donnent une architecture très stable au film, entoure le couple mythique d’un halo de gloire. Célébration (parce que Yves Saint Laurent est au faîte de sa gloire et reçoit à New York un prix qui consacre son œuvre) regorge d’images que l’on retrouvera sans doute dans de futurs documentaires réalisés à partir d’archives.
Célébration d’Olivier Meyrou (Fr., 2018, 1 h 14)
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