Un même élan précipite un homme marié dans les bras d’une brune irrésistible et dans les chienneries de la classe ouvrière. Cela s’appelle l’amour.
Dire « je t’aime », ça peut être une façon de dire merde. L’amour plus fort que tout s’apparente alors à une opération de dynamitage social. C’est à partir de cette conception anarchiste de la passion amoureuse que se construit Cela s’appelle l’aurore. Sur une île méditerranéenne, un jeune médecin fait cette expérience. Pour commencer, ce médecin, marié, s’éprend d’une jolie brune et trahit les liens sacrés du mariage. Trahison ensuite de sa propre classe, celle des notables, quand le médecin, bon Samaritain, prend la défense des ouvriers, allant jusqu’à cacher l’assassin d’un patron inhumain.
Cela s’appelle l’aurore ? Le titre italien est plus explicite : « Des amants sans maîtres ». Sur le fond, un film fou, mais, pour la forme, sage comme une image. Si l’anarchiste Buñuel se dépêche de changer de trottoir à la vue du moindre uniforme, il veille toujours à respecter les passages pour piétons afin de ne pas se faire remarquer. Hostile aux prouesses techniques et aux effets voyants, Buñuel adapte avec une sobriété désarmante un roman à succès de l’époque.
Ce premier film français, film de transition, sonne le glas de la carrière mexicaine de l’auteur de El. Et il faut être fétichiste pour déceler çà et làles coups de patte bunuéliens, ces petits détails scabreux : une paire de menottes sur les œuvres complètes de Claudel, une tortue en guise de déclaration d’amour ou encore une image d’un Christ reconverti en borne télégraphique dans le cabinet du médecin… De minuscules accrocs sur l’amidonnage impeccable de cette fable sociale anarchisante racontée avec le flegme d’un constat de police.
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