Pour un “d” en trop, Ceddo fut interdit plusieurs années au Sénégal par le président Léopold Sédar Senghor, intraitable sur l’orthographe du nom de cette tribu animiste convertie de force à l’islam au XVIIe siècle, et à laquelle le film rend hommage. Sous ce prétexte fallacieux, se dissimulait surtout la volonté de ménager les factions […]
Pour un “d” en trop, Ceddo fut interdit plusieurs années au Sénégal par le président Léopold Sédar Senghor, intraitable sur l’orthographe du nom de cette tribu animiste convertie de force à l’islam au XVIIe siècle, et à laquelle le film rend hommage. Sous ce prétexte fallacieux, se dissimulait surtout la volonté de ménager les factions religieuses du pays et de masquer la brûlante vérité soulevée par Ousmane Sembene dans son pamphlet historique mettant dos à dos
les missionnaires chrétiens, les imams pernicieux et les élites africaines corrompues. Ménager, masquer : deux attitudes étrangères à cet autodidacte de génie, réalisateur du premier film africain de l’histoire (La Noire de… en 1966) et arrivé au cinéma parce que la littérature ne lui permettait pas, disait-il, d’atteindre les masses analphabètes. Avec cette tragédie grecque transposée dans un village sénégalais, Ousmane Sembene traite du passé, mais c’est évidemment le présent qu’il fustige, n’hésitant d’ailleurs pas à multiplier les anachronismes pour brouiller les pistes.
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(Critique parue dans le supplément au n°646 des Inrockuptibles, Les 40 ans de la Quinzaine)
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