En filmant les derniers jours d’une usine, le cinéaste met au jour la force du désir qui relie les uns aux autres.
Avant que L’Inconnu du lac ne fasse basculer Alain Guiraudie dans une autre dimension, le point d’accomplissement de son œuvre aura longtemps été Ce vieux rêve qui bouge, un moyen métrage qui créa l’événement à la Quinzaine des réalisateurs en 2001, au point que Godard en personne le déclara “meilleur film du Festival de Cannes”.
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On comprend pourquoi le film séduisit à ce point le réalisateur franco-suisse, qui présentait cette année-là Eloge de l’amour. La principale qualité du cinéma de Guiraudie, c’est sa densité atmosphérique. Guiraudie nous fait ressentir le poids de chaque mot, de chaque silence, il nous rend attentifs à la portion de réel de chaque cadrage, à l’espace parcouru par chaque mouvement de caméra, à l’intensité de chaque couleur.
Dans Ce vieux rêve qui bouge, Les Temps modernes de Chaplin sont révolus, et si l’ouvrier se rend encore à l’usine, c’est pour attendre sa fermeture – on l’imagine délocalisée – ou en démonter les machines.
Cette fable politique regardant les derniers jours du prolétariat est l’occasion d’observer ce qui nous lie encore, une fois le capitalisme à l’arrêt. Le désir circule, celui d’être ensemble est assouvi, celui de baiser ensemble ne l’est pas. Mais on essaie. Chez Guiraudie, le plan est un point de rencontre permanent, inouï et singulier.
Il y a les réalisateurs dont la mise en scène singe le réel (obsession du réalisme), ceux qui le surchargent (attrait du spectaculaire) et enfin ceux qui l’épurent, en retranchent et en réorganisent les éléments (sculpteur de monde nouveau). Guiraudie fait assurément partie des derniers, de ces grands cinéastes qui se seront confrontés à la question de langage, celui des mots et du cinéma bien sûr, mais aussi celui des corps, et de leur désir.
Ce vieux rêve qui bouge d’Alain Guiraudie, avec Pierre Louis-Calixte, Jean-Marie Combelles, Jean Segani (Fr., 2001, 50 min). Disponible en VOD sur La Cinetek et UniversCiné
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