Révélée par Thérèse d’Alain Cavalier en 1986, Catherine Mouchet a ensuite fait beaucoup de théâtre mais presque plus de cinéma. Depuis trois ans, la revoilà pourtant dans des seconds rôles éblouissants. Récit d’une éclipse.
Quels ont été les moments clés de votre carrière, en particulier le démarrage très fort avec Thérèse, mais ensuite, l’impression d’un creux ?
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C’est vrai qu’en dépit du succès et de la médiatisation de Thérèse, le cinéma a peu fait appel à moi par la suite. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi. Aujourd’hui, je pense qu’on m’a associée à ce rôle de manière excessive. Le milieu du cinéma a fait une fixette sur Thérèse. Je rencontrais des grands metteurs en scène qui me disaient « Oh, bonjour ! » comme si j’avais été une apparition. Visiblement, ils me prenaient pour Thérèse. En tout cas, pour quelqu’un de complètement à part. Bon, c’est humain. Alain Cavalier m’a voulue pour ce rôle justement parce qu’on ne m’avait jamais vue avant, mais pour les autres metteurs en scène, je n’avais plus cette virginité-là. Je me suis alors dit que contrairement à d’autres comédiennes, le temps jouerait pour moi. Le tout, c’est de ne pas paniquer. Il faut penser en termes de durée. Le cinéma ne me sollicitait pas mais le théâtre a été très généreux. J’ai eu un très beau rôle tous les ans. J’ai travaillé ainsi jusqu’à la série télévisée Jalna, il y a sept ans, qui a été très regardée. Et pourtant, c’est après cette série que j’ai vraiment eu un creux. Juste après, je n’ai pas travaillé pendant quatre ans. C’est ma fierté. Si j’en ai une, elle est là : je n’étais pas triste. Réussir, pour moi, ce n’est pas forcément régner. Certes, ce n’est pas drôle de ne pas travailler, mais j’ai toujours pensé que quelqu’un qui était capable d’être heureux seul, sans travail, c’était une grande force. On est moins dépendant. Donc, quand les gens font appel à vous après, on est autonome, on est en forme. On n’est pas une sangsue à s’accrocher dès qu’on vous propose un rôle. C’est infernal ça : c’est une névrose.
Comment êtes-vous revenue au cinéma ?
Le temps a effectivement joué pour moi. Le théâtre m’a aidée à passer d’un univers à l’autre, à sortir de l’image très prégnante de Thérèse. Ce travail de fond a fini par avoir des répercussions au cinéma. J’ai repris le chemin des plateaux par des rôles modestes, des « seconds rôles » comme on dit. Mais un second rôle, on en fait ce qu’on en veut. Il y a des acteurs qui sont tout de suite très soumis : « Oh, je n’ai qu’un second rôle, je n’ai rien à faire. » Mais pas du tout : on a une place dans le film. Il n’y a qu’à la prendre. Dans le même ordre d’idée, ça ne me gêne pas du tout de remplacer une comédienne qui ne peut pas ou ne veut pas faire un film. Ce qui est important, c’est d’être accueilli. J’ai eu Jacques Lasalle comme professeur au Conservatoire, et il nous avait dit « Je vous souhaite d’être des acteurs dont on dit « Surtout elle ou surtout pas elle », c’est-à-dire qu’on veuille vraiment de vous, ou surtout pas de vous. Mais pas des acteurs qu’on place partout n’importe où n’importe comment. Je ressens beaucoup ça dans ce qu’on me propose, et qu’on ne me propose pas ! Ça a un côté vivant : ça sort un peu de l’idée que les acteurs sont des instruments interchangeables. A mes débuts, je me disais « Il ne faut surtout pas séduire, il faut convaincre. » Maintenant, j’ai tendance à penser que c’était un peu exagéré. On peut être plus souple : la séduction fait partie du jeu aussi. Ce serait idiot de se forcer à être trop austère. En tout cas, j’ai un peu plus d’humour sur mon image que d’autres. Je veux bien être moche pour un film, bien pour un autre, ça me fait rire. Je m’en fous un peu.
Comment s’en sort-on financièrement dans ce métier quand on travaille moins : est-ce que les questions d’argent influencent les choix artistiques ?
Grâce à la série télévisée Jalna, j’avais bien gagné ma vie, donc je n’étais pas angoissée de ce point de vue-là. Comme je ne veux pas être embêtée avec ça, je prévois ce genre de choses, donc je ne dépense pas tout tout de suite. Je suis assez prévoyante, oui. Ça fait sans doute très petite souris avec son grenier de dire ça ! Mais en revanche, je ne pourrais pas comme certains acteurs dire que je fais tel ou tel film pour payer mes impôts. Je ne les condamne pas d’ailleurs. Ça peut être un moteur : ça oblige les gens à travailler. Moi, j’ai parfois peur de travailler. C’est une question de caractère. Il m’est arrivé de refuser des rôles de premier plan, sans doute très bien payés, parce que ça ne m’intéressait pas. Je ne vais pas aller faire un rôle parce que c’est le premier rôle. Pour la publicité, la question ne se pose pas parce que je ne suis pas le genre de comédienne à qui on propose d’en faire. Certaines se débrouillent très bien avec ça. Je pense juste qu’il faut se méfier de ne pas associer son image avec un produit trop fort, parce qu’après, ça risque d’empêcher les spectateurs de croire aux personnages que vous jouez. Au fond, je n’ai jamais eu le sentiment de faire de compromis pour l’argent, mais en revanche, je ne suis pas prête à travailler sans être payée. Donc la rémunération doit quand même compter pour moi.
Quel est votre rapport à l’industrie et au milieu du cinéma ?
Ce qui m’intéresse, c’est de voir le métier par différents points de vue. D’ailleurs, entre les deux tours du concours pour entrer au Conservatoire, j’ai eu un moment de doute, et je m’étais dit que si j’échouais, j’apprendrais des notions de gestion pour travailler dans l’administration d’un théâtre ou la production de films. Ce sont des postes passionnants où on participe concrètement à l’aboutissement d’un projet.
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Films principaux :
Thérèse d’Alain Cavalier,
Fin août, début septembre et Les Destinées sentimentales d’Olivier Assayas,
Ma petite entreprise de Pierre Jolivet,
Extension du domaine de la lutte de Philippe Harel.
A l’affiche de J’ai tué Clémence Acéra de Jean-Luc Gaget.
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