François Truffaut écrivait d’elle qu’elle n’est pas une fleur mais un vase. François Ozon en fait désormais sa Potiche. De ses souvenirs, ses réflexions sur le cinéma et le monde d’aujourd’hui, Catherine Deneuve nous offre un bouquet.
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On vous a souvent proposé de réaliser ?
Oui, régulièrement. Je sais bien que techniquement je pourrais le faire, mais je n’en ai pas assez envie. Je ne pourrais pas m’investir aussi longtemps sur un seul projet, je ne fonctionne pas comme ça.
En découvrant les films réalisés par des comédiens que je connais, j’ai eu quelques charmantes surprises mais le plus souvent j’ai vu des films trop faciles à faire et pas très intéressants à voir. Je trouve de toute façon qu’on tourne trop de films en France.
Quand on reçoit le coffret de tous les films en lice pour les César, on est souvent abasourdi et un peu abattu devant tous ces titres qui ne vous disent rien. On ne sait plus ce que c’est, on n’a pas envie de les voir… Le paradoxe bien sûr, c’est que d’autres films qu’on aurait vraiment envie de voir n’arrivent pas à se monter.
Quand vous tournez un film un peu expérimental comme Je veux voir de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, personne n’essaie de vous en dissuader, vos agents par exemple…
D’abord, je discute très librement avec mes agents. Et franchement, personne n’aurait pu me détourner de ce projet-là. Je ne connaissais pas le Liban mais il y avait une forte implication biographique parce que ma soeur Françoise (Dorléac – ndlr) adorait ce pays. Participer à ce témoignage était vraiment important pour moi.
J’y suis retournée deux ans plus tard et des parties entièrement dévastées avaient été reconstruites, il n’y avait plus de traces des bombardements. La ville s’est même agrandie sur la mer ! Les Libanais ont un sens terrible de la fatalité et en même temps ils sont portés par une force de vie incroyable. Sur ce projet tellement atypique, j’ai travaillé bénévolement parce que je voulais que le film existe et que ma participation a pu y aider.
Dans L’homme qui voulait vivre sa vie d’Eric Lartigau qui sort cette semaine, vous n’apparaissez quasiment que le temps d’une scène où vous annoncez que vous allez mourir. Je me suis demandé si c’était pour dire ça que aviez accepté cette participation au film.
C’est très dur en tout cas (long silence). C’est très dur à dire « Je vais mourir, Paul »… Dur à dire d’une façon qui ne soit pas trop solennelle, trop chargée… Je me suis vraiment beaucoup interrogée sur la façon de le faire. Je ne l’ai jamais répété à voix haute avant la prise, je n’aime pas avoir la musique des phrases en tête avant de les jouer.
Vous répétez mentalement ?
Plutôt à mi-voix. A voix haute, ça me gênerait. Dire des phrases comme ça, sans partenaire…
Dans Potiche, vous faites la vaisselle en chantant une chanson de Michèle Torr. Vous aimez la variété française ?
Oui, j’adore chanter dans la vie. On chantait beaucoup chez moi quand j’étais enfant. Je chante tout le temps, chez moi, en voiture… Récemment, un chauffeur de taxi m’a dit à la fin de la course : « Je ne devrais pas vous faire payer… Vous avez chanté durant tout le voyage, c’était agréable… » Il a ajouté cette drôle de phrase : « Vous savez, aujourd’hui, il n’y a plus que les maçons qui c hantent ! »
Vous chantez quoi ?
Enfant, j’étais fan de Gilbert Bécaud. Je connaissais ses chansons par coeur. Un peu plus tard, j’ai écouté Piaf, Aznavour, Brel et Léo Ferré puis Julien Clerc… Maintenant Benjamin Biolay… J’ai toujours écouté de la chanson française.
Seulement ?
Non. C’est gênant de vous le dire à vous, mais je lis avec beaucoup d’attention Les Inrocks et ensuite je vais sur iTunes découvrir les choses dont vous parlez (elle rit). J’ai écouté le nouveau Arcade Fire, qui est très bien. J’adore Janelle Monáe. C’est une fille incroyable, la chorégraphie et le clip sont géniaux… J’ai acheté l’album de Plan B. Je suis beaucoup les nouveautés mais je réécoute souvent les Neville Brothers que j’adore, Nina Simone… J’écoute beaucoup de musique.
Quand vous tournez avec Gérard Depardieu pour la septième fois, avez-vous le sentiment que François Ozon vous utilise comme une citation ?
Longtemps, mon souci était de faire oublier le plus vite possible la vedette que j’étais pour faire exister le personnage. Aujourd’hui, je sais que les cinéastes se servent plutôt de ce que je véhicule comme mémoire de cinéma. François s’est évidemment servi du couple que Gérard et moi avons formé au cinéma. Mais si François y pense, moi sur le tournage je peux l’oublier. Gérard, je ne le vois pas souvent dans la vie mais c’est très agréable de le retrouver. Il est tellement généreux, direct.
Mais le sentiment d’être une citation de cinéma est un peu inévitable quand un jeune cinéaste me filme. C’est aussi mon passé de cinéma qu’il filme. Son passé à lui aussi d’ailleurs. Ses souvenirs qu’il filme à travers moi. J’essaie de ne pas trop y penser, de gagner du temps au contraire en mettant les cinéastes très vite à l’aise pour qu’ils puissent me diriger.
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