Une semaine après la publication de la sulfureuse tribune du Monde, Catherine Deneuve, l’une de ses signataires, revient sur l’affaire. Si l’actrice assume, elle exprime cependant son profond désaccord avec les propos tenus par quelques pétitionnaires, salue « fraternellement toutes les victimes d’actes odieux » et leur présente ses excuses.
Depuis sa publication le 9 janvier dernier, la très controversée tribune publiée dans le Monde et signée par une centaine de femmes prônant « une liberté d’importuner« , a provoqué l’indignation et a relancé, mais aussi complexifié, le débat autour du harcèlement et des agressions sexuelles. D’autant que les prises de parole publiques de certaines pétitionnaires – l’écrivaine Catherine Millet a déclaré sur les ondes de France Inter : « Je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol, on s’en sort » tandis que Brigitte Lahaie assurait sur le plateau de BFM télé « on peut jouir d’un viol » -n’ont fait que gonfler la polémique.
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Une semaine après la parution de la tribune, l’une de ses signataires, Catherine Deneuve, a tenu à s’exprimer dans les pages de Libération afin de clarifier son implication et sa position sur le débat. Si l’actrice assume totalement la signature de ce texte, elle s’excuse de la façon dont celui-ci a pu heurter certaines femmes victimes de violences : « Je salue fraternellement toutes les victimes d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans Le Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses. »
Car ce qui semble animer et inquiéter Catherine Deneuve, au-delà de sa méfiance envers #balancetonporc et ses travers (« lynchage médiatique« , « effets de meute« , selon elle), c’est surtout la façon dont le débat autour des violences faites aux femmes pourrait tendre vers, ce qu’elle nomme, « des nettoyages dans les arts« . A ce sujet elle écrit :
« Va-t-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un artiste pédophile et effacer ses toiles ? Décrocher les Gauguin des musées ? Détruire les dessins d’Egon Schiele ? Interdire les disques de Phil Spector ? Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés. »
Par ce texte, Catherine Deneuve tient à marquer son profond désaccord avec la façon dont quelques pétitionnaires, se sont, en quelques prises de paroles dans les médias, imposées comme les voix principales de la tribune :
« Il me paraît absolument nécessaire aujourd’hui de souligner mon désaccord avec la manière dont certaines pétitionnaires s’octroient individuellement le droit de se répandre dans les médias, dénaturant l’esprit même de ce texte. Dire sur une chaîne de télé qu’on peut jouir lors d’un viol est pire qu’un crachat au visage de toutes celles qui ont subi ce crime. Non seulement ces paroles laissent entendre à ceux qui ont l’habitude d’user de la force ou de se servir de la sexualité pour détruire que ce n’est pas si grave, puisque finalement il arrive que la victime jouisse. Mais quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale. C’est indigne. Et évidemment rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé. »
Elle rappelle notamment à ceux qui lui ont souvent reproché de ne pas être féministe, qu’elle était, en 1971 dans les pages du Nouvel Observateur, aux côtés de Marguerite Duras et de Françoise Sagan pour défendre le célèbre manifeste « Je me suis fait avorter » écrit par Simone de Beauvoir. Elle rappelle également aux « conservateurs, racistes et traditionalistes de tout poil qui ont trouvé stratégique de m’apporter leur soutien » qu’elle n’est pas dupe. Elle ajoute : « Ils n’auront ni ma gratitude ni mon amitié, bien au contraire. Je suis une femme libre et je le demeurerai« .
Enfin un article du JDD publié aujourd’hui révèle la façon dont la tribune a été pensée et orchestrée. On y apprend par exemple que c’est l’écrivaine Sarah Chiche, après quelques échanges avec Catherine Millet, qui entame la rédaction de la tribune durant les fêtes de Noël. L’essayiste Peggy Sastre se chargera de couper le texte qu’elle jugeait « trop long, trop démonstratif » avec « trop d’ambiguïtés » tandis que Catherine Millet le peaufinera. Enfin on apprend surtout que Catherine Deneuve fut l’une des dernières a apposé sa signature au texte. Ce n’est, en effet, que quelques heures avant publication que l’actrice française reçoit et finit par signer la tribune envoyée par Catherine Millet.
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