Vous avez commencé à écrire des romans très jeune, avant même de faire du cinéma. Quelles étaient alors vos principales influences ? J’ai commencé à écrire entre 12 et 14 ans, des poèmes, des chansons, puis des romans. Le premier texte à m’avoir marquée, c’est une chanson de Laura Betti, l’égérie de Pasolini, que je […]
Vous avez commencé à écrire des romans très jeune, avant même de faire du cinéma. Quelles étaient alors vos principales influences ?
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J’ai commencé à écrire entre 12 et 14 ans, des poèmes, des chansons, puis des romans. Le premier texte à m’avoir marquée, c’est une chanson de Laura Betti, l’égérie de Pasolini, que je vais d’ailleurs faire tourner dans mon pro-chain film. Elle s’inti-tulait Je me jette et elle me bouleversait. Ça n’est que bien plus tard que j’ai découvert qu’elle avait été écrite par Alberto Moravia. Il n’y a aucune trace de cette chanson malheureusement…
Très vite après, j’ai découvert Lautréamont, qui est toujours mon auteur favori, avec Les Chants de Maldoror. Pour sa langue qui est entièrement magnifique, incantatoire. Et puis pour son héros,ce prince du mal, Maldoror, qui est dans le blasphème et dans la noirceur parce qu’il est d’abord romantique. Il a une aspiration de pureté irrésolue, et puisqu’ilne peut pas atteindre son idéal, il le tue. Si on est totalement idéaliste et pas totalement con, on sait bien qu’on ne peut pas professer son idéalisme, et on se place dans l’opposé comme dans un exorcisme. Je me suis reconnue dans ce livre, moi qui nageais en plein mythe amoureux avant de les traîner dans la boue… Après, il y a eu Dostoïevski avec L’Idiot, Stendhal et Le Rouge et le Noir, Les Liaisons dangereuses de Laclos et La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette.
Au cinéma, quels sont les auteurs qui vous ont marquée ?
D’abord, je n’aime pas le cinéma français. Je n’aime que Jean Eustache, Jean Renoir, et parmi mes contemporains des gens comme Claire Denis et Bruno Dumont. Les autres, je ne les aime pas du tout. Ils sont académiques, il n’y a pas de nécessitédu cinéma chez eux, ils en font comme si c’étaitune industrie. C’est certes important qu’il y ait une industrie du cinéma, mais je déteste l’imposture artistique au sein de cette industrie. Le cinéma est très totalitaire, les images formatent beaucoup les gens, et je trouve que certains en abusent. Ne pas faire penser le spectateur, le divertir : je trouve ça d’un mépris total pour les gens. C’est hideux. De même qu’il faut remettre en question cette idée de grands acteurs : qu’ont-ils de grand à part l’argent qu’ils gagnent ? C’est un monde de tartuffes. Molière n’a pas écrit Tartuffe pour rien, les Français, il les connaissait. Pour moi, la France n’est pas le pays des droits de l’homme, c’est le pays du maréchal Pétain et de Versailles,ce qui explique beaucoup de choses : c’est un paysde courtisans. Et le courtisan, c’est la délation etle conformisme. La France est atrocement académique, ce qui neutralise et exclut. Prenezle manifeste des cinéastes français contre les critiques, qui n’ont pas signé, courageux comme ils sont :c’est quoi ? C’est dire que les quatre journauxqui aiment encore le cinéma et ne se rallient pasau commerce doivent être interdits de parole.
Depuis longtemps, vous semblez vous intéresserà la pornographie…
J’ai d’abord découvert les magazines dits de charme, en vogue lorsque j’avais 16 ans. C’était une injure : des femmes dites jolies avec des boucles blondes dans des attitudes d’idiotes… Alors à l’époque où on opposait la pornographie à l’érotisme, moi je disais que je préférais la pornographie. Au moins c’était cru et pas idiot. Et puis j’ai vu L’Empire des sens, qui commence bizarrement comme un soft-porno, presque comme ces films qu’on voit sur M6 le dimanche soir. Et soudain, on entre dans la véritéde l’amour physique et pas du sexe, c’est donc plus métaphysique que pornographique. Même si au début l’homme a besoin, pour mettre en route son désir, de quelque chose d’assez bestial et trivial : il ne lui dit pas, à cette fille, qu’elle est belle et qu’il l’aime,il lui dit qu’elle a un beau cul et lui met la mainaux fesses. La vérité du désir masculin primate !Sauf que dès qu’il entre dans l’amour physique il transfigure sa sexualité dans l’échange des forces : c’est elle qui devient l’infini du désir, c’est elle qui le prend, c’est lui qui est possédé. Il l’admet, et se laisse faire jusqu’à la mort. Ce film est absolument somptueux, il rend compte de la magie du sentiment. Ce moment où les choses s’inversent. Après tout,c’est ça un don amoureux.
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