Une satire acide et touchante qui révèle les violences cachées d’un plateau de cinéma.
À une semaine du début de tournage d’un remake adapté des Larmes amères de Petra von Kant de Fassbinder, la réalisatrice Vera peine à finir son casting. Gerwin, un acteur, est lui engagé bénévolement pour donner la réplique lors des différentes auditions. Nicolas Wackerbarth, acteur et réalisateur, de télé puis de cinéma (on l’aperçoit notamment dans Toni Erdmann de Maren Ade), a aussi bien expérimenté les deux métiers et semble accomplir, à travers les personnages de Vera et de Gerwin, son double autoportrait. Le filmant et le filmé, toujours entourés, sans cesse sollicités lors d’un tournage, s’ils appartiennent à deux mondes opposés de la scène, leurs destins sont scellés par cette même extrême solitude. D’un côté, la cinéaste Vera veut le casting parfait. Elle prend son temps et subit la pression des producteurs qui ne lui laisseront d’ailleurs même pas le choix de la décision finale. De l’autre, Gerwin est appelé en renfort pour donner la réplique à quatre actrices et espère au fond décrocher un rôle dans le téléfilm. Mais Gerwin est un acteur amateur que personne ne prend vraiment au sérieux.
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Tout à la fois léger et grinçant, drôle et touchant, le film suit la progression en miroir de ces deux personnages écorchés, victimes de la violence du regard et du langage dans ce petit théâtre féroce que peut être le plateau de cinéma. Ainsi cette scène terrible où Gerwin avoue son homosexualité à trois femmes de l’équipe du film, lesquelles se mettent soudain à douter de sa capacité à interpréter un personnage hétérosexuel. Dans la séquence suivante, la réalisatrice vient interrompre prématurément le casting d’une actrice, car elle n’est pas convaincue par sa prestation, laissant la comédienne bouche bée, figée dans un silence de mort.
Sans jamais trop les surligner, Casting témoigne de ces humiliations du quotidien et réinvestit habilement les motifs sadomasochistes déjà présents dans l’œuvre originale de Fassbinder, qu’il déplace ici sur la figure de l’acteur. Cet être tragique, dont Gerwin est l’emblème, qui n’est heureux que par le regard des autres même si ces derniers l’écrasent. Lui, qui essuie les coups et les crachats, qui vacille, tombe mais toujours se relève, suppliant sa réalisatrice de refaire une dernière prise pour qu’encore une fois un œil se pose sur lui. Prêt à entrer en scène, ses larmes ont été ravalées, remplacées par un sourire malicieux. Et pourtant, il ne faut pas s’y tromper, elles coulent secrètement derrière le masque, toujours aussi amères.
Casting de Nicolas Wackerbarth (All., 2017, 1 h 31)
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