Troisième volet de la saga de Xavier, « Casse-tête chinois » de Cédric Klapisch s’enferre dans les clichés quadragénaires et, du moins espérons-le, clôt la série.
1. Le sujet
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D’une pièce de mœurs, L’Auberge espagnole, modestement lancée en 2002 comme une comédie populaire adressée aux twenty-something, Cédric Klapisch a fait sa poule aux œufs d’or. College-movie pour le Vieux Continent, brandi comme un trophée pop par la génération Erasmus, son inattendue notoriété s’est infiltrée partout. En salle puis dans le flot culturel des années 2000, par sa BO (El Fudge, la botte secrète des soirées de 2006), son casting (tous promus bankable : Romain Duris, Cécile de France, et Audrey Tautou en confirmation d’Amélie…), il a englouti Cédric Klapisch, enferré dans un film qui ne veut pas s’arrêter, devenu diptyque puis trilogie. Le principe est simple : L’Auberge à 20 ans, Les Poupées russes à 30, Casse-tête chinois à 40. Xavier (Duris) a fait deux enfants à Wendy (Kelly Reilly), dont il divorce, mais qu’il suit à New York où vit déjà Isabelle (Cécile de France), et où le rejoindra Martine (Tautou) – bref, où qu’il aille, à la fin, tout le monde est là.
2. Le souci
En arrivant à New York, Xavier s’offusque du fait que ses enfants doivent porter un uniforme dans leur nouvelle école : son ex-femme les a inscrits dans un établissement privé. En mettant dans la bouche de son héros moderne un rejet de l’uniforme, Klapisch refoule la terrifiante pulsion de la norme qui travaille depuis dix ans sa trilogie. Cet embourgeoisement des personnages de L’Auberge est sidérant parce qu’il va trop vite : en deux ellipses, le wannabe écrivain est devenu Marc Levy, l’altermondialiste hippie une politicarde BCBG, l’homosexuelle rock’n’roll une cougar bobo de Brooklyn. Une seule explication : un cinglant “on a 40 ans, merde !” Parachuté quadra, new-yorkais et papa, Duris marche malgré lui sur les terres de Louis C. K., dont un bon épisode de Louie sera l’antidote à ce conformisme carabiné : la comparaison dessine de façon flagrante toute l’infirmité de Casse-tête chinois, complètement penaud sur le terrain de l’intime, terrifié à l’idée de filmer une scène de sexe, limité partout ailleurs au panorama social propret, et même plus vraiment drôle.
3. Le symptôme
Pour faire croire qu’il était générationnel, Klapisch a toujours procédé par énumération des sociotypes. Son cinéma singe la diversité, comme il singe l’intime : sa philosophie de coffee-shop était peut-être encore d’une puérilité aimable il y a dix ans. Avec le temps, elle tourne au vinaigre. S’il devait continuer de s’éterniser ainsi sur les écrans, il soufflerait ses 60 bougies à Neuilly. Dans cette hypothèse, on l’imagine volontiers accuser son propre échec en réalisant la phobie fondamentale du Xavier de L’Auberge, des Poupées, et encore un peu du Casse-tête : celle de devenir triste parce qu’il devient vieux.
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