CASA DE LAVA (1994) ; OSSOS (1998)LES FILMS : Deux œuvres importantes d’un très grand cinéaste, et donc un événement éditorial. On serait tenté de dire de Pedro Costa qu’il pourrait filmer n’importe quoi tant il possède de capacité à donner de l’intensité à chaque plan, à chaque visage, à chaque décor. Or il […]
CASA DE LAVA (1994) ; OSSOS (1998)
LES FILMS : Deux œuvres importantes d’un très grand cinéaste, et donc un événement éditorial. On serait tenté de dire de Pedro Costa qu’il pourrait filmer n’importe quoi tant il possède de capacité à donner de l’intensité à chaque plan, à chaque visage, à chaque décor. Or il se trouve qu’il ne filme jamais n’importe quoi, mais des lieux, des temps, des états particulièrement précis et réels, qui par l’effet de la mise en scène semblent en même temps refléter un monde souterrain, magique, auquel nous n’aurons jamais accès (comme chez Tourneur). A la frontière ultime de l’esthétisme stérile, du fantastique et des genres en général, entre classicisme et modernité extrême, les images de Costa donnent pourtant toujours l’impression d’être prises sur le vif, comme du reportage (grâce notamment au travail sur le son, qui semble rajouter de la profondeur de champ à l’image). A la frange du picturalisme (ses plans d’êtres humains figés rappellent la peinture classique, le cinéma de Pasolini ou les statues de Giacometti), c’est pourtant bien la vie bouillonnante, le sang et l’énergie qui y circulent, qui transparaissent de ces visages, de leur chair, de leurs os (« La première chose qu’on voit chez un individu, ce sont ses os », dit Costa). Ses acteurs (professionnels ou non) se ressemblent physiquement : noirs ou blancs, hommes ou femmes, ils tendent tous vers la maigreur, vers une unité indifférenciée, un monomorphisme sexuel, une impassibilité, une torpeur dans le regard, souvent buté. Des morts-vivants, des vivants déjà morts et pourtant tellement vivants. Et puis soudain, comme un éclair dans la nuit : un sourire, dont la force naît de la rareté. Il est quasiment impossible de dire ce que racontent les films de Costa, tant chacun peut reconstruire à sa façon les apparences de récit qui les structurent. Casa de lava, son deuxième long métrage après O Sangue, se déroule au Cap-Vert et raconte l’histoire d’une jeune infirmière désespérée (Ines Medeiros) il y a toujours des infirmières, chez Costa qui raccompagne un Capverdien dans le coma (Isaach de Bankolé) sur son île, persuadée qu’ils y retrouveront l’un et l’autre la vie. Ossos, son troisième long, est peut-être le chef-d’œuvre de Costa à ce jour (il n’a que 46 ans). Tourné avec des habitants d’un des quartiers les plus pauvres de Lisbonne, filmé comme Ozu ou comme un peintre du Moyen Age (d’avant la découverte de la perspective) auraient pu le faire, Ossos a pour fil rouge ténu l’histoire d’un bébé qui passe de mains en mains, de sa mère à son père, qui tente de le donner, puis le vendra. Un film désespéré, aussi réaliste (la misère des personnages n’est pas feinte) que dantesque, infiniment interprétable, quasiment inépuisable. LES DVD : Les deux DVD sont édités par Gemini, la société du producteur des deux films, Paulo Branco. Bonus de qualité : sur Casa de lava, le cahier de préparation de Pedro Costa ; sur Ossos, trois commentaires tout à fait différents (du photographe Jeff Wall, de João Bénard da Costa et de Serge Kaganski) qui ne se recoupent jamais, prouvant la richesse du cinéma de Pedro Costa. Sur les deux DVD, des commentaires émouvants et instructifs du grand chef opérateur Emmanuel Machuel (il a notamment travaillé avec Gérard Blain, Manoel de Oliveira et Jean-Claude Biette).
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