Dénué de véritable angle sur son sujet, Arnaud des Pallières se perd dans un film d’époque confus.
Après Le Bal des folles, roman à succès de Victoria Mas qui donna une adaptation au cinéma porté par Mélanie Laurent en 2021, c’est au tour duréalisateur Arnaud des Pallières de poser un nouveau regard sur la condition des femmes internées à l’hôpital de la Salpêtrière, dirigé par le docteur Charcot à la fin du XIXe siècle.
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Le film suit Fanni (Mélanie Thierry), une femme se rendant volontairement à la Pitié-Salpêtrière dans le but de retrouver les traces de sa mère admise il y a quelques années et dont elle a perdu la trace. Se justifiant auprès de chacune d’avoir toute sa raison, bientôt le piège de la captivité se referme sur elle.
Aussi bien film carcéral aux accents de thriller paranoïaque, tentative de récit féministe sur la condition des femmes à la fin du XIXe siècle, que film cossu et coquet reposant sur une distribution féminine prestigieuse (Josiane Balasko, Marina Foïs, Carole Bouquet et Yolande Moreau sont également à l’affiche), il semble y avoir plusieurs tentatives de films dans Captives, hélas tous incomplets et laissés en suspens au profit d’un nouveau mouvement qui vient prendre la place du précédent. On finit alors par se demander ce qui a nourri le regard du cinéaste dans cette entreprise.
Captives débute sur les bases très identifiables du film de prison (Fanni passe la visite médicale, puis découvre les douloureuses règles qui régissent et structurent l’hôpital), un sous-genre dont l’un des grands enjeux esthétiques s’avère l’étude minutieuse et répétée, jusqu’à l’obsession, d’un espace confiné et de son fonctionnement quotidien.
Champ libre aux actrices
Si la découverte du territoire et sa progressive assimilation s’opèrent pour le·la spectateur·rice en simultané de la perception de Fanni, le long métrage ne prend jamais véritablement en charge le traitement du rapport de son personnage avec l’espace. Éludé par des valeurs de plan très rapprochées qui renvoie son décor systématiquement au hors-champ, ce procédé immersif tout droit recyclé du Dogme95 (jump cut, zoom abrupt) s’avère ici particulièrement contre-productif.
Probablement envisagé pour court-circuiter un certain académisme propre au long métrage en costume et en moderniser sa surface, cet appareillage formel n’échappe pourtant pas à la standardisation du film d’époque français confortablement produit. Ici, les véritables enjeux historiques et politiques – décrypter les théories misogynes de Charcot sur l’hystérie, sur lesquelles les thérapies de la Salpêtrière reposent, et qui nourriront, par exemple, le travail de Freud – sont totalement délaissés au profit d’une omniprésence accordée aux personnages.
Laissant tout le champ libre à ses actrices, cela semble devenir l’unique enjeu du regard du cinéaste : regarder le déploiement des performances de sa galerie de stars intergénérationnelles. Beaucoup plus contestable est la façon dont cette starification occupe toute la lumière et ostracise totalement les actrices non professionnelles du cadre, condamnées à n’être qu’une présence aux contours aussi incertains que désertés par la caméra : ce regard désamorce sévèrement l’hymne à l’inclusivité et à la sororité que le film revendique.
Captives d’Arnaud des Pallières, avec Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs. En salle le 24 janvier.
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