Un néo-film noir sexy dans l’enfer hollywoodien, où rayonne Lindsay Lohan en princesse cramée.
Façades en ruine, abîmées par le temps, bâtiments vides, laissés à l’abandon. Les premières images de The Canyons, une série de plans fixes sublimes découvrant des salles désertées de Los Angeles, annoncent clairement le programme : ici, le cinéma est considéré comme mort, sinon agonisant.
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De la part du réalisateur, le revenant Paul Schrader, et du scénariste, Bret Easton Ellis, l’aveu n’a rien de très surprenant : l’un comme l’autre ont souvent dit, écrit ou filmé la disparition d’une certaine idée du cinéma d’auteur et de son sanctuaire, la salle, et The Canyons fut lui-même produit sous les radars, via une campagne de crowdfunding.
Mais le film dépasse heureusement très vite cet état de fait et, comme la plupart des théoriciens de la mort du cinéma, Ellis et Schrader se révèleront, au final, d’ardents défenseurs de leur art, soufflant sur ses dernières braises, investissant chaque plan d’un puissant désir.
Tout se passe ici dans les coulisses ténébreuses de l’usine à rêves, Hollywood, où l’on découvre un couple borderline incarné par la pornstar James Deen et Lindsay Lohan, lui en producteur cynique, elle en actrice dépressive et idéaliste trompée. Entre le néo-noir et la romance, les manipulations et les affaires de coucherie, The Canyons épouse la forme d’un soap transgressif à l’atmosphère enivrante, un drame de chambre passé au filtre de l’œuvre d’Ellis, dont il constitue une sorte d’abrégé superficiel mais séduisant.
Le portrait démystifié d’une ville de Los Angeles corrompue par le fric et la dope, l’image d’une jeunesse suicidée, d’un monde aux désirs artificiels, tous les motifs chers à l’écrivain sont ici convoqués dans un nouveau lamento postmoderne au mood alangui et magnétique, évoquant Le Privé de Robert Altman.
Film de Bret Easton Ellis et de Paul Schrader, dont on retrouve le formalisme tranchant, The Canyons est aussi et plus sûrement un film de Lindsay Lohan, tant l’actrice cramée imprime à chaque plan sa beauté bouleversante. Dans ce rôle quasi autobiographique, l’ancienne égérie Disney, abîmée par ses addictions diverses, prouve l’immense actrice qu’elle est encore et oriente le film vers un conte de fées malade.
Qu’importe, dès lors, tous les discours et les complaintes sur la mort du cinéma ; il n’y a rien de plus beau et de plus émouvant en cet instant que les larmes d’une ex-enfant star prisonnière de son miroir aux alouettes.
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