Pendant toute la période où devait se tenir la 73eme édition du festival de Cannes, nous évoquons un temps fort de la légende cannoise, assorti d’une archive d’époque. Aujourd’hui, retour sur une des plus belles surprises provoquées par un palmarès : la Palme d’or inattendue attribuée à un jeune cinéaste thaïlandais, Apichatpong Weerasethakul, pour Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures.
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C’est un jeu toujours amusant, lorsqu’est révélée la liste des films sélectionnés en compétition cannoise, de spéculer sur les goûts du président de jury, ou sur ses détestations. On était par exemple sûr que Cronenberg ne donnerait aucun prix à Lynch quand il présidait le jury. Et inversement. Dans les deux cas, on avait raison. On pouvait deviner que le grand carnaval clippé de Lars Von Trier (Dancer in the dark) séduirait Luc Besson. On imaginait qu’Isabelle Huppert serait une supportrice fervente du Ruban blanc de Michael Haneke (la Palme a été, cela dit, attribuée à l’unanimité).
Quand le jury nous surprend
Mais on n’imaginait en revanche pas forcément que Spielberg serait bouleversé par le naturalisme brutal d’Abdellatif Kechiche (La vie d’Adèle). On était persuadé qu’Almodovar parviendrait à imposer une palme à 120 battements par minute plutôt qu’au très surfait The Square. Et pour tout dire, on n’imaginait pas forcément que Tim Burton s’emballe pour un film thaïlandais à très petit budget et le préfère au grand film consensuel de ce festival, Des hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois ou à une daube larmoyante d’Alejandro Gonzalez Inarritu (Biutiful, avec Javier Bardem). On se trompait. On dit même que dans son jury, Burton était le plus fervent supporter d’Oncle Boonmee.
Un des plus beaux coups de palmarès de toute l’histoire du festival
A posteriori, passée la surprise de voir triompher un outsider sur lequel même ses fans n’osaient parier et que bien sûr tous les habituels raseurs de Cannes s’accordaient à trouver trop expérimental, trop hermétique etc., on changeait d’avis. Et on se disait que, même si Oncle Boonmee se situait sur un point absolument opposé de la carte économique du cinéma par rapport au blockbuster Alice au pays des merveilles tourné cette année-là par Burton, il y avait pourtant une évidente affinité d’univers entre les deux cinéastes ; une sensibilité onirique commune, un amour du bricolage et de la magie archaïque du cinéma, la passion des fantômes et de l’enchantement, voire même le goût des gros poissons un peu bizarres (celui d’Oncle Boonmee semble répondre à celui de Big fish). Aux deux bouts de l’industrie, deux créateurs se sont tendu la main. La palme accordée à un film aussi singulier, audacieux, inventif qu’Oncle Boonmee… est un des plus beaux coups de palmarès de toute l’histoire du festival. Bravo à Tim et à sa team !
Retrouvez notre archive d’époque : une virée chez Apichatpong Weerasethakul, un cinéaste de rêves
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