Pendant toute la période où devait se tenir la 73eme édition du festival de Cannes, nous évoquons un temps fort de la légende cannoise, assorti d’une archive d’époque. Aujourd’hui, la victoire en 1994 de Quentin Tarantino avec Pulp Fiction et l’entretien-fleuve sur les films qui l’ont façonné réalisé par Les Inrocks dans la foulée
Bien que son auteur n’en soit qu’a son deuxième film, et ait à peine dépassé la trentaine, Pulp Fiction fût probablement le film le plus attendu du festival de Cannes 1994 (disons ex aequo avec La reine Margot de Patrice Chereau). Parce que le premier film de Quentin Tarantino, Reservoir dogs, avait suscité une petite commotion en séance de minuit deux ans plus tôt sur la Croisette – et fédéré par la suite une cohorte de fans. Parce que cette fois le jeune cinéaste se voyait doté d’une cohorte de stars (à leur sommet – Bruce Wiilis ; ascendantes : Uma Thurman, Samuel L Jackson ; en voie de résurrection : John Travolta). Parce que dans le contexte de grande messe auteuriste cannoise, la promesse d’un film de genre novateur et fun est souvent une bénédiction.
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Présenté dans le dernier tiers du festival, le film crée immédiatement une adhésion massive, surtout de la part des plus jeunes festivaliers, simples cinéphiles agglutinés au balcon de la grande salle Lumière, applaudissant et piaffant tout au long du film. Dans la presse, l’accueil est globalement enthousiaste, mais avec quelques couacs. Les Cahiers du cinéma trouvent le film trop roublard. Çà et là, on reproche aussi à Tarantino sa désinvolture dans le traitement de la mort et de la violence. Des rumeurs néanmoins filtrent et affirment que le président du jury Clint Eastwood et sa vice-présidente Catherine Deneuve aiment beaucoup le film.
Doigt d’honneur et applaudissements
De fait, il obtient quelques jours plus tard la Palme d’or. Après avoir copieusement checké ses partenaires (Travolta, Willis), mais aussi son producteur fidèle Harvey Weinstein, Tarantino, dégingandé dans son smoking, est extatique et hilare. De la salle, une voix s’élève et hurle : « Mais quelle daube ! Quelle honte ! ». Le cinéaste paraît comprendre ces mots français et réplique par un doigt d’honneur – plus explicite encore que le bras levé de Pialat, qui lui devait faire face à l’ire d’une salle entière. Très vite, l’impétrante qui clamait sa colère est recouverte par une nouvelle salve d’applaudissements.
Dans les mois qui suivent, le film amorce sa trajectoire pavée de succès : plus de 100 millions de dollars de recettes aux USA (pour un budget de 8) ; 2,8 millions de spectateurs en France (ce qui en fait le plus gros score pour une palme d’or depuis quarante ans). Cannes a servi la carrière du film et réciproquement Tarantino a beaucoup œuvré pour la légende de Cannes. Il n’y revient pourtant pas avant dix ans, pour présider le jury (et donner la palme d’or à Michael Moore) tout en présentant Kill Bill volume 2 hors compétition. Depuis, il est revenu trois fois en compétition (Boulevard de la mort, Inglorious basterds et Once upon a time in Hollywood), mais en revanche n’a plus jamais figuré au palmarès.
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