Pendant toute la période où devait se tenir la 73eme édition du festival de Cannes, nous évoquons un temps fort de la légende cannoise, assorti d’une archive d’époque. Aujourd’hui, retour sur le mélodrame musical de Lars Von Trier, Dancer in the dark, pour lequel Björk souffrit presque autant que son personnage. Mais au bout du chemin de croix, un prix d’interprétation et une palme.
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Lorsqu’en mai 2000, Lars Von Trier présente son sixième long-métrage au festival, il n’arrive pas vraiment en terrain inconnu. Les cinq précédents ont déjà connu l’honneur d’une sélection officielle, dont quatre en compétition. Mieux : le cinéaste danois est déjà bardé de prix. En 1984, son premier film The element of crime obtient le prix de la comission technique ; en 1991, Europa se voit décerner le Prix du jury ; en 1996, Breaking the waves décroche le Grand Prix du jury. Seul Les idiots, présenté en 1998, ne récolte aucune récompense. Heureusement, le sort du film suivant répare largement cette vexation : le mélo chantant Dancer in the dark bouleverse la Croisette en 2000, et, parti hyperfavori dès le début du festival, rafle sans surprise la Palme, avec le soutien fervent du président du jury Luc Besson, qui, juste avant de l’annoncer fredonne l’air de Oh ! It’s so quiet de Björk.
Björk fusionne avec son personnage
Si le film paraît durant tout le festival imbattable, sa présentation n’est pas allée sans remous. Dancer in the dark arrive à Cannes précédé de rumeurs de grande discorde entre son metteur en scène et son actrice principale. Avec sa morgue coutumière et son ironie pince-sans-rire, Lars le manipulateur laisse entendre qu’il a laissé Björk fusionner tête baissée avec son personnage sans qu’elle n’appréhende totalement l’horizon esthétique du film au-delà du premier degré du récit. Björk pour sa part raconte qu’elle a sauvé Selma, la petite ouvrière malmenée par la vie, des griffes de son auteur. Le film porte les traces de ce combat entre le gigantisme conceptuel un rien cynique d’un entrepreneur en travaux postmoderne et l’épanchement romantique d’une interprète qui jette son corps dans le chaudron du mélodrame.
Björk ne se rend pas à la conférence de presse. Sa partenaire Catherine Deneuve répond avec un impeccable dosage d’autorité et d’élégance à toutes les questions fouineuses de journalistes alléchées par l’odeur du sang – tandis qu’à côté Lars Von Trier, laconique, ricane. Des rumeurs rapportent qu’on aurait vu Björk prendre un train à la gare de Cannes le jour même de la présentation officielle. Mais le soir pourtant, elle tient les bras de Catherine Deneuve (mais pas de Lars Von Trier) pour la montée des marches, dans une robe d’elfe rose. Dix jours plus tard, tandis que le film obtient la Palme d’or, Björk reçoit le Prix d’interprétation féminine.
Après avoir fait pleurer les festivaliers, le film part à l’assaut du public et réunit 1,2 million de spectateurs. Nul doute que la puissance d’identification de Björk a son personnage, son rayonnement d’artiste totale de la pop (elle a bien sûr également composé toutes les chansons du film) ont hissé le cinéma de Lars Von Trier vers ces sommets de popularité et de reconnaissance. Malgré Nicole Kidman, le film suivant, Dogville, partira bredouille de Cannes et réunira quatre fois moins de spectateurs. Dans l’entretien ci-joint, qu’elle accordait à JD Beauvallet, Björk déclarait pourtant que plus jamais elle ne rejouerait au cinéma.
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