Pour fêter les 50 ans de 2001 : l’Odyssée de l’espace de Kubrick, le Festival de Cannes va projeter une copie neuve du film lors d’une avant-première présentée par Christopher Nolan. L’enjeu étant de restituer l’expérience cinématographique qu’ont vécue les premiers spectateurs à la sortie du film en 1968.
Voilà désormais un demi-siècle que l’on commente, dissèque, analyse et spécule sur 2001 : l’Odyssée de l’espace. Pourtant, encore aujourd’hui, le film de Stanley Kubrick apparaît comme un objet d’une richesse insondable et sur lequel le temps ne semble avoir aucune prise. C’est donc avec une excitation difficilement contenue que nous apprenions il y a quelques semaines que 2001… allait être projeté au prochain Festival de Cannes dans une copie neuve conforme à l’originale sortie en 1968. Pour présenter la projection, Christopher Nolan. Une évidence tant on sait que, d’Interstellar à Dunkerque, l’œuvre kubrickienne ne cesse d’infuser la filmographie du réalisateur britanno-américain.
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Mais puisque 2001… n’a pas pris une ride, pourquoi alors se réjouir d’une nouvelle restauration ? Car, au fond, toutes les restaurations ne se valent pas. Pire, certaines, en voulant effacer les usures du temps ou améliorer certains détails, entravent ce qui faisait la beauté inhérente d’un film. Ned Price, responsable à la Warner Bros. de la restauration du film, nous rassure à ce sujet : “Aucune altération numérique ou amélioration n’a été faite. Notre travail consiste à recréer l’expérience vécue en salle de la version originale.” 2001… tient d’ailleurs une place beaucoup trop sacrée dans la vie de Ned Price pour qu’il ose trahir son rendu : “Ce film m’a accompagné toute ma vie, il agit comme repère. Un jour, à l’âge de 12 ans, j’ai fait l’école buissonnière et j’ai pu voir un tirage 70 mm de 2001… dans un cinéma, cela m’a convaincu que je devais travailler dans ce métier.”
“Garder à l’esprit comment cela sonnait à l’origine”
Démarche inédite depuis la première sortie du film en 1968, la copie 70 mm du film a été tirée par l’équipe de Price à partir d’éléments du négatif original. Une recréation photochimique qui n’a fait l’objet d’aucune retouche numérique, ni d’effet remasterisé ni de modification de montage. C’est à travers ce prisme éthique que Ned Price a entrepris ce travail de restauration, décidant ainsi de laisser certaines imperfections qui ont pu s’imprimer sur la pellicule originelle.
“Nous avons choisi de montrer les dommages et de conserver la pleine résolution de l’image du film plutôt que de les modifier numériquement.” Sur la question du son, un travail monstre a également été engagé : “Les bandes sonores exigent autant de travail et de soin que l’image, mais elles sont souvent négligées. La clé pour travailler avec le son est de garder à l’esprit comment cela sonnait à l’origine dans les salles, avec l’équipement et l’environnement.”
“Dérestauration est un terme controversé, mais au moins il indique que vous voyez quelque chose de pur et d’inaltéré”
Au sujet du terme ambigu de “restauration”, Ned Price poursuit : “Je crois qu’il est mal utilisé car les gens ont tendance à changer l’esthétique d’un film, voire parfois son contenu, plutôt que de lui rendre l’apparence qu’il avait au moment de sa sortie.” Pour le travail opéré sur 2001…, il serait donc plus exact de parler de ‘dérestauration’. “C’est un terme controversé, mais au moins il indique que vous voyez quelque chose de pur et d’inaltéré”, précise Price.
La Warner va donc réaliser le rêve absolu de beaucoup de cinéphiles : tenter de reproduire les conditions de la toute première projection du 3 avril 1968 d’un film qui occupe une place tout fait à part dans la carrière de Kubrick. La diffusion est prévue pour le samedi 12 mai au Festival de Cannes, puis en copie 4K dans toute la France dès le 13 juin.
Optimisme technologique total
Dès sa genèse, en 1964, le cinéaste ne fait pas vraiment preuve de modestie pour vendre son projet aux producteurs de la MGM : ce sera le meilleur et le plus réaliste des films de SF jamais réalisé, “le film de science-fiction de référence”. Pour le mener à bien, il s’entoure d’une équipe technique composée des plus grand spécialistes de l’époque. A la fois dans son processus créatif et dans les thèmes abordés, 2001… est sans aucun doute le film de Kubrick où la problématique de la technique occupe la place la plus importante. Empreint d’un optimisme total, le film refuse tout fatalisme d’une emprise de la technologie sur l’homme.
Un rapport qui fait particulièrement écho à notre époque (après tout, le robot HAL 9000 n’est peut-être qu’un cousin futuriste de Siri ou Google Home). A l’heure de Black Mirror et de son discours parfois complaisant sur le sujet, il est réconfortant de (re)plonger dans le film de Kubrick tant il est habité par un regard plein d’espérance sur le futur. Une vision profondément moderne et quasi miraculeuse chez le cinéaste puisqu’elle surgit au cœur d’une filmographie baignant dans le nihilisme (Dr. Folamour, Orange mécanique, Full Metal Jacket).
Adoubée par Nolan, cette ressortie risque donc d’attirer de nouveaux spectateurs. Si le film de Kubrick est une œuvre à la réputation monumentale qui fait souvent peur à ceux qui ne l’ont pas encore découverte, Ned Price conseille : “Je pense qu’il faut voir ce film avec un esprit complètement ouvert.” Car plus qu’un traité philosophique ou une réflexion sur notre condition humaine, 2001… est une invitation au voyage, “une expérience visuelle qui contourne l’entendement pour pénétrer directement l’inconscient avec son contenu émotionnel”. Dixit Kubrick.
2001 : l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Séance spéciale
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