Journal déprimé d’un de nos envoyés spéciaux au festival de Cannes. Deuxième jour.
Vatel et le Ken Loach, deux merdes, mais je résiste à l’envie de me barrer, ce n’est que le début. Du calme, de la patience, soyons zen et contents d’être là, ne faisons pas le blasé.
Après Vatel, je refais un saut au colloque du Monde, censé faire le point sur l’avenir du cinéma, les nouvelles technologies, le Net, les jolies images dans les beaux tuyaux, tout ça, tout ça. Service de sécurité impressionnant et hôtesses en uniformes. Un type veut m’empêcher d’entrer en me réclamant mon « surbadge » (le surbadging, nouveau concept rigolo, typiquement cannois) que je n’ai pas puisque je ne l’ai pas demandé. J’ai que mon accrédit’ Rose et ma bonne mine rose d’imposteur patenté. Au moment où je vais en appeler à la liberté de la presse et être aussi désagréable qu’eux, le chef des molosses ordonne de me laisser entrer, que j’étais déjà là hier, qu’il m’a vu faire la bise à des vrais participants. Super-physionomiste, le mec. J’arrive à la fin des débats, comme hier, et Jean-Mimi Frodon soupire et me fait les gros yeux : il doit penser que je pourrais trouver un autre lieu de rendez-vous avec mes potes que son colloque. J’admets qu’il n’a pas complètement tort. Les Dardenne insistent gentiment pour que je m’incruste au déjeuner officiel, j’hésite, et demande son avis à Jacques M. qui pense que c’est possible mais s’étonne de mon intérêt pour la chose (lui est obligé d’y aller et n’exulte pas). Je passe tous les barrages entre les deux frangins, parviens à ne pas être présenté à Wim Wenders, prends la coupe de champagne qu’on me tend, dis bonjour à Gilles Jacob qui a l’air crevé, et me retrouve à discuter avec les frères et Marc Tessier. Je me présente en bredouillant, mais personne n’a l’air de s’étonner de ma présence, malgré ma dégaine échevelée qui tranche un tantinet avec les costards de bonne coupe de tous ces braves gens. Un type appelle « les participants du colloque » à prendre place. Chahine est avec des politiques à l’air mortel, les frères sont conviés à la table de Jacob, on se quitte à regret, y’a pas une table qui ne pèse pas quelques milliards, je prends la fuite avant de risquer de me retrouver entre Pierre Lescure et Nicolas Seydoux, pensant qu’y faut pas pousser, que l’incruste a des limites, et que c’est pas poli ni très digne d’aller dans des déjs sans être invité. Dans le hall, j’aperçois Humbert Balsan, le producteur de Jo, pas invité non plus, qui me propose un contre-colloque off à base de clubs-sandwiches et de Kros (c’est lui qui invite…). On voit passer tous les recalés du déjeuner, pas assez de places, Mandelbaum et Blum en tête (pourtant journalistes au Monde), je suis passé à un chouia de l’humiliation publique. Serge Toub’ nous rejoint, puis d’autres virés. On parle de Vatel et Serge sort tout de suite le grand jeu : « Détruire Vatel. » Seuls les durassiens comprendront la première grande vanne du Festival… Jo nous rejoint et déclare que mettre la rencontre avec Jospin à l’heure de la sieste est digne d’un pays de sauvages comme la France. On parle un peu de ses projets (il tourne au Caire en septembre prochain), on se pelote un peu, on s’aime et il va voir Jospin, sûrement pour l’engueuler. Moi, je vais voir Kagan, mais pas pour l’engueuler, plutôt pour le convaincre que tout va bien se passer.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le soir, rituel dîner d’équipe, la sole est bonne.
J’ai loupé le match.
{"type":"Banniere-Basse"}