Cannes cinéma, cinquante ans de Festival vus par Traverso, texte de Serge Toubiana (Cahiers du Cinéma) Dans la profusion d’ouvrages célébrant les 50 ans du Festival de Cannes, on distinguera sans peine cette imposante histoire en images par les Traverso, une splendeur. Qui sont les Traverso ? Une famille d’Italiens établis à Cannes depuis 1850, […]
Cannes cinéma, cinquante ans de Festival vus par Traverso, texte de Serge Toubiana (Cahiers du Cinéma)
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Dans la profusion d’ouvrages célébrant les 50 ans du Festival de Cannes, on distinguera sans peine cette imposante histoire en images par les Traverso, une splendeur. Qui sont les Traverso ? Une famille d’Italiens établis à Cannes depuis 1850, photographes depuis 1919. Quatre générations se sont ensuite succédé, se repassant les flashes de père en fils. Ces artisans locaux photographient les noces et banquets et, depuis 1946, couvrent le Festival. A feuilleter rêveusement ce magnifique album, on constate que les Traverso étaient partout, qu’ils n’ont quasiment rien loupé de ces cinquante années. On est aussi frappé par la cohérence esthétique de leur travail à travers les époques et les générations, une façon de regarder les stars avec respect mais sans se pousser du coude, un art de sculpter la lumière en noir et blanc qui semble s’être passé de main en main comme le secret du feu. Cet art dévoile l’histoire et l’essence du Festival mieux que tous les textes ou lignes de palmarès même s’il faut souligner ici la qualité des légendes de Serge Toubiana, à la fois érudites et légères, transpirant l’amour du cinéma, un texte qui sait ne pas prendre trop de place pour rendre la meilleure justice au travail des Traverso. Ces photos racontent que le Festival, c’est aussi du cinéma en soi, tout un art de la mise en scène avec ses lieux stratégiques (les bars de plage, la terrasse du Carlton, la piscine du Majestic…), ses rituels sacrés (montée et descente des marches, arrivée en limousine…), ses costumes (smoking et robe de fée), ses performers (les festivaliers divers) et son public (la foule des badauds). Cannes dans les années 50, cela ressemblait aussi à une fête conviviale, un lieu où le farniente et le cinéma gardaient nettement l’avantage sur le business et les médias. D’ailleurs, des années 50 aux années 90, les Traverso ont inconsciemment enregistré l’évolution du Festival, mais aussi celle du cinéma et du monde où nous vivons. Cela se voit dans le cadre des photos et dans la position des photographes. Il y a quarante ans, les Traverso saisissaient Liz Taylor aux bras des marins, Henry Fonda ou Grace Kelly aux terrasses des cafés, ils mettaient en boîte des repas, des parties de boules, des virées en canot… Dans les dernières années, on ne voit plus que des gros plans officiels, des festivaliers en tenue de soirée, des montées de marches. Les photographes ont été mis au pas, tenus en laisse selon des règles de plus en plus rigides. Un flicage visible qui montre de façon lapidaire comment le Festival est devenu ce monstre dévoré par le protocole, le gigantisme et la télévision.
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