En déroulant par le menu le réveillon de Noël d’une famille de la middle class américaine, cet espoir du ciné indé prolonge le geste nostalgique de son premier film, le fabuleux “Ham on Rye”.
Votre précédent film, Ham on Rye, se déployait déjà sur une seule journée de célébration. Ici, c’est le soir du réveillon de Noël. D’où vous vient cet attrait pour les fêtes rituelles ?
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Tyler Taormina – Une chronologie compressée est pour moi le meilleur moyen de méditer sur ce que ça fait d’être vivant. J’aimerais même un jour faire un projet en plan-séquence, pour voir jusqu’où je peux aller dans ce registre. Quant à l’aspect rituel ou cérémonial de mes films, j’y suis attaché parce qu’il me permet d’atteindre une dimension vraiment ontologique, une qualité de présent et un existentialisme auxquels je tiens.
À quel point Christmas Eve in Miller’s Point puise-t-il sa sève dans votre propre expérience des fêtes de Noël ?
Le film est très autobiographique. De nombreuses lignes de dialogues ou situations ont été puisées dans mes films de famille. Mais c’est la partie consacrée aux adolescent·es dans laquelle je me retrouve le plus. J’avais le désir étrange de revisiter cette époque, de retrouver le sentiment qu’on éprouve en tant qu’ado aux fêtes de famille, le désir d’évasion, la jouissance qu’elle produit, la découverte du désir et du libre arbitre. De façon générale, je voulais représenter tous les spectres des âges de la vie. Même s’il s’agit d’une seule journée, je voulais que cette diversité d’âge crée une sorte de vertige temporel.
La nostalgie du film encapsule aussi plusieurs décennies, la musique des années 1960-1970, la mode des années 1980-1990, les premiers téléphones portables des années 2000.
Oui, je voulais que le film jouisse d’une forme de liberté dans l’accumulation des références temporelles, pour créer un présent à la fois familier et étrange, pluriel et multiple, qui s’écarte de la norme.
Avez-vous commencé le cinéma en filmant votre famille?
Non. À la base, je voulais faire des séries pour enfants. J’étais ultra fan de Hé Arnold ! et des Aventures de Pete et Pete. C’est suite à un projet inabouti pour la télévision que je me suis tourné vers le cinéma. Mais j’aime la façon dont les films de famille captent des petits riens. Mon film utilise une grammaire cinématographique plus élaborée, mais mon objectif est le même. Mon cinéma aspire à sublimer les petits riens, comme Roy Andersson.
On sent aussi des influences dans vos films des influences de David Lynch, John Hughes ou Linklater.
Oui, à 100 %. Ces trois-là comptent beaucoup pour moi. Mais aussi Hou Hsiao-hsien, Apichatpong Weerasethakul ou Robert Altman.
En regardant le film, on attend le moment où il va doucement glisser des petits riens à un substrat plus cotonneux et onirique. Comme dans Ham on Rye, il se produit sans même qu’on le remarque.
Oui, c’est vraiment ce que j’espérais. Je voulais qu’on ait le sentiment de revisiter un souvenir, de se retourner et de soudain réaliser que tout a changé, sans qu’on s’en soit même rendu compte. Cette désorientation ne se produit que dans le dernier tiers du film, mais c’est la partie qui me passionne le plus.
Michael Cera joue et produit le film. Comment est née cette collaboration?
Il m’a contacté parce qu’il avait adoré Ham on Rye. Mais au premier abord, je ne comprenais pas bien ce qu’on pourrait faire ensemble, parce que je l’associe plutôt aux comédies de studios, ce qui n’est pas ma tasse de thé. Mais en parlant avec lui, j’ai compris que nos univers étaient en fait très proches. Nous avons écrit un film ensemble et il va bientôt le réaliser. Je le considère comme mon frère.
Christmas Eve in Miller’s de Tyler Taormina, avec Michael Cera et Francesca Scorsese (États-Unis). Présenté le 17 mai à la Quinzaine des cinéastes.
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