Le cinéaste sud-coréen, de retour à Cannes quinze ans après “Le Bon, la Brute et le Cinglé”, signe une délicieuse satire sur la recherche de virtuosité.
Quelques lignes réécrites, des scènes retournées, et une foi inébranlable peuvent permettre à un film moyen de devenir un chef-d’œuvre. C’est ce dont est convaincu Kim (impérial Song Kang-ho), cinéaste somme toute modeste, sujet à d’insoutenables rêves l’exhortant à modifier, et donc à retourner, la fin de son deuxième long-métrage dont il vient d’achever le tournage.
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Pressé par sa productrice, ses acteur·trices, et sous la menace de la censure en vigueur en Corée du Sud (nous sommes en 1970), il n’obtient qu’un délai de deux jours pour faire de son Cobweb (Dans la toile, en français) une œuvre majeure.
Troublant, magnifique, drôle
Peintre du chaos et du pouvoir de la conviction, le réalisateur de J’ai rencontré le Diable se penche ici, non sans modestie, sur ses propres désirs de virtuosité. Ce qui frappe en premier lieu dans le dispositif, par ailleurs classique dans le domaine de la mise en abîme (le réel est en couleur, le film dans le film en noir et blanc), est que le mélo noir que tourne Kim Ki-yeol (dont des pans entiers nous sont montrés) pourrait être un film de Kim Jee-woon si celui-ci avait officié dans les années 1970. Il y a quelque chose de troublant, de magnifique, et de profondément drôle à le voir pleinement mettre en scène, à travers les mains et les yeux de Ki-yeol, cet objet à la valeur cinématographique si délicieusement ambiguë. Seule la récente série Irma Vep d’Olivier Assayas nous aura proposé pareille (auto)réflexion sur la qualité, le talent et la créativité.
Le tout est de surcroît enveloppé d’un écrin satirique ravageur, à l’image du running gag du film, tenant en l’ambition ultime que représente chez Kim l’idée de réaliser un plan-séquence, horizon indépassable du geste de cinéaste. Ainsi on attend un tel plan, on le fantasme, et quand celui-ci arrive enfin, sa qualité au demeurant moyenne en a miraculeusement atteint au sublime.
Dans la toile de Kim Jee-woon est présenté hors compétition. Il sortira en salle le 26 juillet.
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