Le réalisateur Sean Price William propose un long-métrage picaresque et décalé sans se prendre au sérieux.
“Je n’ai pas besoin d’être riche”, lâche, bravache, Sean Price Williams lorsqu’on lui demande si après ce premier long-métrage en tant que réalisateur et après vingt ans passés derrière l’œilleton au service des autres (Alex Ross Perry, les frères Safdie depuis 2014, ou Abel Ferrara), il ambitionne désormais de se faire une place au soleil.
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La réponse ne surprendra guère ceux qui ont suivi son travail comme chef opérateur pour la frange la plus indépendante du cinéma indépendant de New York — où il vit toujours, à Manhattan plutôt que Brooklyn, seule concession faite à l’embourgeoisement, concède-t-il —, ou ceux qui découvriront The Sweet East, récit picaresque prenant place dans ce soit disant “doux orient” américain, de la Caroline du sud au Vermont, de Washington DC à New York, en passant par de nombreux lieux qui ont émaillé la jeunesse du cinéaste né dans le Delaware en 1977.
Dans ce film faussement foutraque et très drôle, écrit par le critique new-yorkais et ami de longue date du réalisateur Nick Pinkerton (ils ont tous deux travaillé il y a longtemps dans le mythique Kim’s Video Store), une jeune fille (formidable Talia Ryder) va d’aventure en aventure au gré du hasard. Elle croisera ainsi la route d’une terroriste persuadée de sauver des enfants des griffes de pizzaïolos pédo-satanistes ; d’un suprématiste blanc et romantique interprété par le délicieux Simon Rex (Red Rocket) ; ou encore d’islamistes forestiers fans de dance music — un bestiaire a priori absurde et pourtant ”tout à fait réaliste”, souvent inspiré de gens réels, représentatif d’une Amérique en delirium tremens permanent, déversant sur les chaînes d’info en continue ses psychoses, de tueries de masse quotidienne en abjects politicailleries.
Fidèle à la folie de l’époque
Le film a les défauts de ses qualités, partant dans tous les sens sans jamais rien conclure, se foutant superbement de la cohérence, baladant sa démarche syncopée et terriblement sensuelle — le geste toujours somptueux de Williams, qui a propulsé les Safdie où ils sont aujourd’hui — comme le ferait une tiktokeuse en boîte après avoir passé trop d’heures sur d’obscurs forums Reddit, restant ainsi fidèle à la folie de l’époque qu’il entend ausculter. “Nick et moi voulions gentiment nous moquer de cette Amérique qui n’épuise jamais ses stocks de conneries”, explique le cinéaste venu à la première en smoking-survet’ rouge et dont le prénom, avoue-t-il, est un hommage à Sean Connery.
“On voulait aussi faire l’inverse de tous ces films d’auteur pompeux et longs, qui se prennent au sérieux”, ajoute-t-il, estimant que le succès déplorable d’un Trump s’origine dans le fait qu’il est un des seuls politiciens américains à savoir manier l’humour. “C’est l’Amérique qui a fait ce film”, écrit Williams dans la note d’intention. On lui demande d’expliquer. Il prend une gorgée de café, respire, esquisse un sourire, et avoue : “J’étais probablement ivre quand j’ai écrit ça, n’y prêtez pas trop d’importance.”
The Sweet East est présenté à la Quinzaine des cinéastes
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