Après “Corpo celeste” (à la Quinzaine des Réalisateurs), “Les Merveilles” et “Heureux comme Lazzaro” en sélection officielle, l’Italienne Alice Rohrwacher revient à Cannes avec une sorte de film d’aventures contemporain (il se déroule dans les années 1980) avec des “pirates” et des trafiquants d’œuvres d’art, ou plutôt des pilleurs de tombes, en l’occurrence étrusques.
L’action de La Chimère se déroule en Italie, mais le personnage principal est un Anglais, le bel Arthur (comme Rimbaud !) qui possède un don incroyable et magique : il est capable de déceler les cavités, donc la présence d’une chambre funéraire antique… Cela lui vaut d’avoir beaucoup d’ami·es parmi les “vitelloni” (les glandouilleurs) de son village du bord de la mer Tyrrhénienne… Ils revendent ensuite leurs découvertes à de riches collectionneur·euses, dont un certain Spartaco que l’on ne voit jamais vraiment (on finira par découvrir sa véritable identité mais chuuuut !). Par le passé, Arthur a subi un grand malheur : il a perdu sa femme tant aimée, dont il a souvent des visions.
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On retrouve avec plaisir l’univers d’Alice Rohrwacher, son amour des personnages secondaires nombreux, farfelus (dont la toujours sémillante Isabella Rossellini), agités du bocal, poètes de la rue italienne. On dirait que, pour elle, un film se doit d’être une fête de village avec des fanfares de clowns, des personnages qui bougent tout le temps, des amours provisoires, des laissé·es pour compte de la société, et des actions secondaires inutiles au récit, mais qui font tout le prix de son cinéma poétique.
Antiquités
Et puis il y a toujours chez elle ce goût pour le passé, l’antiquité, non pas celle des Latins, trop banale, trop sage, et puis qui finalement devint chrétienne, mais pour les Étrusques, les premiers habitant·es de l’Italie. Antiquité qui reste aujourd’hui encore en partie mystérieuse, mais dont on croit savoir, par exemple, que les femmes y détenaient le pouvoir…
Ces forces païennes protégées dans des chambres funéraires sont mises à jour pour de mauvaises raisons (l’argent et la possession, ces rois de notre civilisation), mais elles font aussi ressusciter des forces spirituelles que l’on croyait mortes et qui n’étaient qu’enterrées.
Enfin on notera que Rohrwacher, comme Moretti, fait des clins d’œil au vieux Fellini (notamment, ici, dans la scène où l’air, pénétrant dans un tombeau clôt depuis des millénaires, assèche les fresques et semble les effacer – ce qui n’arrivera pas – et qui rappelle la scène très célèbre de Fellini Roma, où des ouvriers faisaient disparaître sans le vouloir des fresques romaines magnifiques). Inspiré, cultivé, magique… La Chimère est un très beau film.
La Chimère d’Alice Rohrwacher est présenté en sélection officielle
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